vendredi 17 juillet 2015

Un Idiot à Paris : une comédie pas si bête

En Blu-ray : Un Idiot à Paris (1967) faisait partie de ces films qui passaient régulièrement à la télé et que je n’ai pourtant jamais réussi à voir en entier. Soit je ratais la diffusion, soit elle avait déjà commencé… D’où cette impression de le connaître sans l’avoir vraiment vu. La sortie du Blu-ray, édité chez Gaumont, m’a donc permis de mettre un terme à cette succession de rendez-vous manqués. J’ai éteint mon téléphone, fermé les volets, mis une pancarte "NE PAS DERANGER" et inséré la galette dans le lecteur. Et ce que j’ai vu m’a étonné.

Car Un Idiot à Paris fleure bon la comédie française des années soixante : dans un petit village de l’Allier, Goubi, un bredin, un fada, bref un idiot du village, rêve de Paris. Il s’imagine habiter en haut de la Tour Eiffel, insensible aux quolibets des autres habitants. Un matin, pour lui faire une farce, deux maraîchers le soûlent, le mettent dans leur camion et le réveillent aux Halles, où se tient encore le plus grand marché de France, avant son déménagement à Rungis. Dans le joyeux bazar des cageots et des carcasses, Goubi se perd. Le voici seul à Paris.
On l'imagine déjà, cette comédie à la française. D'autant que Michel Audiard est au dialogue et qu'il est particulièrement en verve, même s'il reprend certaines phrases du livre de René Fallet (qui apparaît furtivement dans le rôle d'un militaire au bras d'une péripatéticienne) dont est tiré le film. Une perle parmi d'autres : "Je suis ancien combattant, militant socialiste, et bistrot. C'est dire si, dans ma vie, j'en ai entendu, des conneries !" Evidemment, Audiard peut compter sur des acteurs qui savent causer sa langue : Bernard Blier, Robert Dalban, Yves Robert, André Pousse, Dany Carrel, Micheline Luccioni, Paul Préboist... ça jacte ! ça fuse ! Et on se poile, comme de bien entendu.


Le cinéma de papa à l'ère de la modernité
Au sommet de ce casting, il y a Jean Lefebvre qui incarne l'innocent Goubi. Il est drôle et touchant. C'est certainement sa meilleure interprétation. Il forme un joli couple avec Dany Carrel, la fleur de bitume, la pute à la main verte et qui n'a doublement pas sa langue dans sa poche. Elle est belle, Dany. Forte et fragile à la fois. Donc rien que pour ça, on est déjà content de regarder le film. Mais il y a plus.
Le plus, c'est Serge Korber qui l'apporte. Après Le Dix-septième ciel, un premier film très Nouvelle Vague, encensé par la critique et boudé par le public, le jeune réalisateur signe un contrat avec Gaumont. Il réalisera notamment L'Homme-orchestre et Sur un arbre perché avec Louis de Funès, avant de se lancer dans le porno ! Pour son deuxième film, il fait preuve d'une maturité impressionnante. Un Idiot à Paris débute par une succession de personnes qui s'expriment sur Goubi, face caméra. Façon reportage. Un travelling élégant avance sur chacun des intervenants. Un travelling ! Pas un zoom dégueulasse comme le cinéma français s'est trop longtemps complu à en produire, non, un beau travelling ! Et le reste de la mise en scène est à l'avenant. Jolis plans, belle photo, mouvements de caméra harmonieux. Regardez la fluidité de cette scène de taxi - tout en appréciant le Dédé balancer les piques aux Michel :

Et Korber donne à l'ensemble du film un cachet très tendre, poétique, tout en étant très bienveillant avec ses personnages.
Ajoutez à cette belle édition, plusieurs bonus sympas, dont des entretiens avec Carrel et Korber, qui revient sur l'écriture du scénar, dans un hôtel du Sud de la France, avec Audiard, aux frais de la Gaumont et d'Alain Poiré.
Anderton


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