En DVD et Blu-ray : Alors qu'Ant-Man sort sur nos écrans, où sont les super-héros français ? A l'eau, répond Thomas Salvador dans Vincent n'a pas d'écailles, sorti en vidéo. Mais l'acteur-réalisateur n'a pas voulu copier les Américains. Il a même fait tout l'inverse.
Pas d'origine mythique. Vincent voit sa force décupler lorsqu'il est au contact de l'eau. Et on ne saura pas pourquoi. Pas de parents morts noyés sous ses yeux, pas de pincement par un crabe radioactif, Rien, c'est comme ça. Tant pis pour le récit mythique qui élève le héros au rang de demi-dieu. D'ailleurs, Vincent est tout ce qu'il y a de plus normal : il vit chichement de petits boulots. Le moto de Peter Parker/Spider-Man - "A grands pouvoirs, grandes responsabilités" -, c'est pas son truc à Vincent. Il aime juste se baigner et traverser un lac à la vitesse d'un dauphin, sans plus. Eventuellement se renverse-t-il une bassine sur la tête pour terminer plus vite un boulot mais c'est tout. Le plus important, c'est de rester discret. Donc pas de costume en lycra ni de surveillance de la ville depuis les quais. D'ailleurs, l'histoire ne se déroule pas dans une mégalopole mais à la campagne ! Sauf qu'évidemment, comme tout être extraordinaire, Vincent va devoir sortir de l'anonymat... Et l'histoire s'emballe.
Pas un blockbuster. Au rythme trépidant des films de super-héros américains, avec des plans virtuoses, Salvador oppose un tempo tout en langueur. Les plans durent et Vincent agit avec lenteur. On le voit entrer dans l'eau, manger des pâtes, regarder de loin un concert... Hors de l'eau, Vincent a la vivacité d'une moule. Mais dès qu'il pénètre en milieu aqueux (ce n'est pas sale), le voici transfiguré. Ce faux rythme apporte de l'étrangeté au film. De la drôlerie aussi. Il y a une approche quasi documentaire dans cette manière de filmer un quotidien banal. Et pour autant, c'est fascinant, jamais chiant.
Pas d'effets spéciaux numériques. Aujourd'hui, tout est possible ou presque grâce aux images retrafiquées par ordinateur. Et la France compte quelques boîtes reconnues internationalement dans ce domaine. Mais Salvador a décidé de se passer de leurs services. Du 100% bio, assure la bande-annonce. Le réal a fait appel à de bons vieux trucages physiques... invisibles à l'écran, bien sûr. Qui produisent leur petit effet. On se demande "comment c'est foutu" avant de se dire que "c'est bien fait quand même". Et cela participe à ancrer le film dans son réalisme tout en aiguisant l'intérêt du spectateur.
Pas de stars. Certes, il arrive que les majors hollywoodiennes fassent appel à des débutants pour incarner des super-héros mais elles préfèrent le plus souvent engager des acteurs confirmés, susceptibles d'attirer un public nombreux. Pour interpréter Vincent, Salvador se jette à l'eau. Grand mou au torse même pas épilé, il balade sa dégaîne d'une scène à l'autre, sans rien dire. A peine s'il prononce plus de dix répliques dans le film. On peut presque parler de non jeu mais c'est tout à fait raccord avec le personnage, solitaire un peu rêveur, comme échoué hors de l'eau. Bon, Vincent n'a pas d'écailles mais il a des couilles (oui, je voulais la placer celle-là) et voici qu'il tombe amoureux. Sa fiancée, pleine de vie et de fantaisie, est interprétée avec beaucoup de fraîcheur par Vimala Pons. Leur couple détonne mais reste complètement crédible. Et dans le rôle du sidekick, Youssef Hajdi fait le boulot avec beaucoup de naturel.
Vincent n'a pas d'écailles est un film original, étonnant même, très français et en même temps très respectueux de l'univers des super-héros (il y a même un hommage au fameux baiser à l'envers de Spider-Man et Mary-Jane). Il saura séduire les fans de Marvel ou DC comme ceux que l'idée même de voir un type en cape ferait déchirer leur abonnement à leur cinéma d'art et d'essai. Pour son édition, FranceTV Distribution propose en bonus un court-métrage de Thomas Salvador qui laisse entrevoir toute l'étrangeté de l'univers du bonhomme.
Anderton
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