En salles : Sorti sur nos écrans, le film Marguerite a pour point de départ une anecdote entendue dans un salon. Dans le New York des années folles, une richissime et excentrique dame de la bonne société new-yorkaise faisait profiter ses amis de ses talents de chanteuse lyrique, en ne louant rien de moins que le Carnegie Hall. Florence Foster Jenkins contribuait ainsi au recul de la dépression nerveuse et du vague à l’âme, car le tout New York arrivait en masse à chaque récital, pour se poiler de rire. Avec son incapacité congénitale à chanter juste, la diva avait une interprétation toute personnelle du Grand Répertoire... Pour s’en convaincre, voici un extrait à vous défriser la moustache.
C’est sur la base de cette histoire somme toute assez drôle que Xavier Giannoli bâtit un drame complexe et attachant. Nous sommes désormais à Paris au cœur des années 20. La très généreuse baronne Marguerite Dumont, grande mélomane et collectionneuse de costumes et accessoires d’opéra, soutient les orphelins de guerre en organisant des concerts de charité dans son château de la proche province. Elle y fait venir les musiciens et chanteurs les plus talentueux de la capitale et ne manque pas de clore le concert par un récital où elle massacre toutes les pièces du répertoire lyrique. Car Marguerite chante faux, dramatiquement faux, sans que quiconque ne lui dise jamais la vérité. Un seul mot d’ordre : laisser Marguerite dans son illusion.
Et c’est là que se noue le drame, Marguerite est une proie facile. Argent, cadeaux, prodigalités de toutes sortes, les amis et les proches comprennent immédiatement ce qu’ils peuvent tirer de la situation, jusqu’au fidèle majordome qui patiemment tisse sa toile autour de sa maîtresse. La seule contrepartie est de régulièrement supporter ses coassements... Tout ce monde-là aurait ainsi continué à vivre, si lors d’un récital, Lucien Beaumont, un journaliste critique d’art venu pour se goberger aux frais de la richissime baronne, en se payant sa tête de surcroit, ne se laisse toucher par sa sincérité.
Goût du détail et la galerie de portraits
En parfait descendant des maîtres italiens comme Lorenzetti, Xavier Giannoli nous offre une immense fresque sur les vices et les vertus. Trahison, cupidité, reniement de soi, lâcheté, abandon, solitude, tout est ciselé en finesse. Au milieu de cette cour des miracles, émergent pourtant des sentiments plus élevés tout aussi bien illustrés : l’amour, la sincérité, la générosité. Le cinéaste nous parle aussi de la puissance créatrice, et de la place de l’artiste.
Catherine Frot incarne le personnage à merveille. On songe parfois à Odette Toutlemonde. Il y a aussi Denis Mpunga, alias Madelbos le majordome. On le croit tout acquis à la cause de Marguerite alors qu’il se sert d’elle pour réaliser lui aussi son Grand Œuvre sur plaque photographique... Enfin, André Marcon, le baron humilié. Persuadé d’avoir été épousé pour son titre, cocufiant presque par convention Marguerite avec sa meilleure amie, et réalisant au final qu’un amour sincère l’attache à sa riche épouse. A mon sens le personnage le plus touchant. Dans un dernier tableau, le baron en Pietà dolorosa soutient sa baronne inanimée, sous l’œil et l’objectif de Madelbos. Xavier Gianolli nous laisse choisir la fin ce beau film...
Moustachement vôtre,
Jean-Jacques Castella
Jean-Jacques Castella
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