En salles : + 50 % de films vus cette année par rapport aux années précédentes. Et pourtant, c’est la première fois depuis cinq ans que j’ai eu du mal à boucler un Top10 – que je transformais les années passées en Top12 ou Top15... Ce n’est pas tant que le nombre de déceptions ait crû : non, c’est qu’il y a eu peu de fictions marquantes, fortes, dérangeantes. Peut-être en raison d’un réel cette année plus bouleversant et marquant que les fictions qui nous ont été proposées par le cinéma ?
Au final, une Asie quasiment absente – Hou Hsiao Hsien sera présent en 2016, et je n’ai pas encore eu le loisir de découvrir le dernier Jia Zangke (Au-delà des montagnes) ; un cinéma français finalement faiblard cette année ; un cinéma européen dominé par une Italie particulièrement féconde (Sorrentino, Sollima, Bellochio) ; enfin, un cinéma américain qui, bien qu’écrasé par les franchises destinées à dominer le box-office, laisse la parole à de vieux briscards, d’une santé insolente – Miller, Eastwood, Mann, Spielberg – tandis qu’émergent de nouveaux talents – Miller (l’autre !) ou Denis Villeneuve avec Sicario qui aurait mérité de figurer dans ce top, s’il eût été un Top11 !
10) Le Pont des espions (Steven Spielberg)
Steven Spielberg s’attaque à la Guerre froide, curieusement absente jusque-là de sa filmographie, à travers le portrait d’un avocat lambda métamorphosé en négociateur secret du gouvernement fédéral. Manière d’offrir à l’Amérique un nouveau miroir de ses contradictions. Et un curieux autoportrait du héros américain en proie aux doutes et à l’angoisse. D’une densité et d’un classicisme souverains, Le Pont des espions figure dans le top de la filmographie du cinéaste – qui commence à en compter beaucoup !
9) American Sniper (Clint Eastwood)
Clint Eastwood, 84 ans, avec 300 millions de dollars au box-office US, pulvérise ses précédents records (Gran Torino et Impitoyable), décroche six nominations aux Oscars, avec un film pas aimable du tout, aride, et complètement eastwoodien. Il se paie même le luxe de déclencher une polémique idéologique, quitte à faire oublier le cinéaste. Qui pourtant ajoute là à sa légende un chef-d’œuvre supplémentaire.
8) Leopardi il giovane favoloso (Mario Martone)
Grâce à ce biopic classique, qui défie les lois de l'académisme, Mario Martone, cinéaste italien rare et précieux, discret ces dernières années, malgré quatre films, et son magistral Mort d'un mathématicien napolitain (1993), revient au premier plan avec une œuvre majeure, biopic consacré à l’écrivain italien, héros national du Risorgimento, porté par une mise en scène inspirée et une interprétation fiévreuse et habitée d'Elio Germano dans le rôle-titre.
7) Trois souvenirs de ma jeunesse (Arnaud Desplechin)
Avec Trois Souvenirs de ma jeunesse, Arnaud Desplechin livre une somme, un monument à son héros Paul Dedalus (donc lui-même) mais aussi à son cinéma. S’entrecroisent des fragments de ses films passés, des décors, bribes de dialogues, atmosphères ou intonations de La Sentinelle, Rois et Reine ou Un Conte de Noël... Desplechin trace une ligne incroyablement claire. Il fait de ce Roubaix grisâtre un Moulinsart, point de départ de son aventure. Celle de son cinéma, de ses propres souvenirs et de son héros. Magistral. Et puis comment ne pas tomber sous le charme de Lou Roy-Lecollinet - quelle révélation, quelle évidence ! Prochain César de la révélation féminine assuré.
6) Comme un avion (Bruno Podalydès)
Entre Renoir et Resnais, Comme un avion est une ode au farniente, à l'imaginaire, à la sensualité. Une magnifique surprise de la part de Bruno Podalydès, réalisateur de Liberté Oléron et Adieu Berthe. Bonheur d'écriture, Comme un avion est un bonheur visuel. Mille trouvailles visuelles inventives émaillent ce périple en eaux douces. Occasion de rappeler la formidable B.O. du film, qui mixe Charlélie Couture, évidemment, avec Georges Moustaki, Bach avec Alain Bashung.
5) Foxcatcher (Bennett Miller)
L'un des films les plus marquants de ces dernières années, à la croisée de trois genres : le biopic ; la success story à l'américaine ; le film de sport signé par l'une des révélations les plus impressionnantes du cinéma américain, Bennett Miller, réalisateur de Truman Capote en 2005, du Stratège en 2009, et prix de la mise en scène à Cannes en 2014 pour ce Foxcatcher. Iconoclaste, original et insaisissable, un des films les plus passionnants sur l'Amérique et ses névroses, digne successeur de Mankiewicz.
4) Mia Madre (Nanni Moretti)
En racontant les derniers moments de sa propre mère décédée pendant le montage de son précédent film Habemus Papam, Nanni Moretti touche à travers le singulier l’universel. Du séjour à l'hôpital aux souvenirs et à l'oubli, tout est traité de manière à la fois simple et sensible. Sans aucun faux pas. Au point qu’à la fin après avoir lâché de nombreux sourires, difficile de réprimer ses larmes. De l’émotion à l’état brut. Sublime.
3) Le Fils de Saul (Laszlo Nemes)
On ne sortira pas indifférent du Fils de Saul. Au-delà de la puissance de son sujet, le film renouvelle complètement tout ce qu’on avait pu voir jusqu’ici en matière de fictions à propos de la Shoah. Novateur, audacieux, et totalement respectueux. Pari gonflé et gagné haut la main par Laszlo Nemes, dont il s’agit là du premier film, couronné par le Grand Prix du jury lors du Festival de Cannes 2015.
2) Hacker (Michael Mann)
Boum ! Point de compromis avec l'industrie hollywoodienne ou avec le genre du film noir : tout est centré sur les enjeux formels et esthétiques. Des fulgurances visuelles et esthétiques. Qui font de Hacker un pur objet de mise en scène, à la limite de l'abstraction et d'un niveau tellement supérieur à ce qu'on voit régulièrement. Tout Michael Mann est bien là. Retour gagnant pour le cinéaste, soldé par un injuste échec au BO.
1) Mad Max Fury Road (George Miller)
Je ne retirerai pas un mot à ce qu’en a pensé l’ami Anderton : "Un film fou, fort, fun ! Miller conçoit un pur film d'action qui délivre son propre message sur le pouvoir, le sort réservé aux femmes ou l'écologie, sans que le cinéaste ne s'apesantisse ou qu'il ne cherche à développer une thèse. Fou, fort, fun, oui. Miller remet les pendules à l'heure, ou plutôt nous fait changer de fuseau horaire. (…) L'essence même du cinéma (sans jeu de mots)."
- le Top 10 / Flop 10 2015 de Marsellus Wallace
- le Top 10 et le Flop 5 2015 de Fred Fenster
Replongez-vous dans cette année cinématographique 2015, avec deux beaux montages.
- le Top 10 et le Flop 5 2015 de Fred Fenster
Replongez-vous dans cette année cinématographique 2015, avec deux beaux montages.
Travis Bickle
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