En DVD et Blu-ray : Cineblogywood a interrogé le critique Laurent Vachaud sur la portée de Desperate Hours, de Michael Cimino, qui est sorti en vidéo chez Carlotta.
Cineblogywood : Cimino retrouve Mickey Rourke pour la troisième fois avec Desperate Hours...
Laurent Vachaud : Avant Desperate Hours, Michael Cimino voulait faire un autre film avec Mickey Rourke, consacré à un gangster, Legs Diamond. A l’origine, il s’agit d’une pièce de Joseph Hayes, adaptée au cinéma par William Wyler sous le titre La Maison des otages avec Humphrey Bogart. Là, Cimino rend la famille otage pas du tout plaisante : le couple est en plein divorce, le mari s’apprête à quitter le foyer. Le gangster et ses comparses agissent comme des révélateurs : comment le mal parvient à resouder la famille. En cela, le film ne caresse le spectateur dans le sens du poil ! Et encore moins les Américains ! Le gangster est vraiment un sale type, il ne regrette rien de ses actions. Comme ni le mari ni la femme ne sont très gâtés, il est difficile pour le spectateur d’entrer en empathie. C’est l’une des raisons de l’échec commercial du film.
C’est un pur exercice de style pour Michael Cimino ?
On peut le voir comme ça. Car il est indéniable que Cimino s’est complètement rattrapé sur la réalisation, avec des morceaux de bravoure qui trouent le film de manière inattendue, et quasiment disproportionnée par rapport à l’ambition du film ! Le début est absolument sidérant et fait dialoguer passé et présent : cette blonde qu’on dirait sortie d’un shooting avec Helmut Newton, sur fond de big sky de western et de pierre tombale dédiée à Nathan Brittles, le personnage incarné par John Wayne dans La Charge héroïque de John Ford, le tout sur la musique David Mansfield aux accents herrmanniens ! Personne ne sait aussi bien filmer les grands espaces que Cimino. On retrouve dans cette scène tout le savoir-faire de son chef op Doug Milsome, scène qui peut rappeler l’ouverture de Shining.
Et paradoxalement, là, il prend pour sujet un huis clos claustrophobique !
Oui, mais dès qu’il a l’occasion de filmer des extérieurs, il est en pleine possession de ses moyens. La mort de David Morse est à cet égard une des plus belles scènes du film. La manière avec laquelle il parvient à faire exister les grands espaces dans un huis clos de série B est quand même fascinant ! Tout ce qui se passe dans la maison reste brillant du point de vue de la mise en scène, mais que c’est dès qu’il est en extérieurs que Cimino prend toute son ampleur.
Bien qu’une commande, en quoi Desperate Hours demeure-t-il un film personnel ?
On y retrouve la signature de Cimino : l’arche dans la maison, qui rappelle celle de Chinatown dans L’Année du Dragon, et celle du club dans lequel se retrouvent John Hurt et Sam Waterson dans Heaven’s Gate. Desperate Hours est un film too much, on est d’accord. Mais en raison de sa surenchère filmique, il en devient mémorable. Plus sage, le film aurait complètement disparu des mémoires. Tous ceux qui ont vu Desperate Hours ne peuvent oublier les moments de pur cinéma, même si le reste peut paraître moins fort. C’est un film travaillé de l’intérieur par une énergie de mise en scène pratiquement intacte. On la retrouvera encore dans Sunchaser, même si le scénario est parfois simpliste et naïf. Mais Cimino est déjà diminué. Et le film date de plus de 20 ans... Je pense que Cimino ne fera plus de cinéma.
Et puis, comparons-le avec Les Nerfs à Vif (Cape Fear), autre remake sorti la même année, beaucoup plus emphatique, porté au pinacle, alors que c’est un des plus mauvais films de Scorsese. Mis à part un très beau générique, quand Scorsese veut faire du De Palma, ça tombe complètement à plat et c’est grotesque. Le film de Cimino est davantage tenu. Et tient beaucoup mieux la route que celui de Scorsese.
C’est un pur exercice de style pour Michael Cimino ?
On peut le voir comme ça. Car il est indéniable que Cimino s’est complètement rattrapé sur la réalisation, avec des morceaux de bravoure qui trouent le film de manière inattendue, et quasiment disproportionnée par rapport à l’ambition du film ! Le début est absolument sidérant et fait dialoguer passé et présent : cette blonde qu’on dirait sortie d’un shooting avec Helmut Newton, sur fond de big sky de western et de pierre tombale dédiée à Nathan Brittles, le personnage incarné par John Wayne dans La Charge héroïque de John Ford, le tout sur la musique David Mansfield aux accents herrmanniens ! Personne ne sait aussi bien filmer les grands espaces que Cimino. On retrouve dans cette scène tout le savoir-faire de son chef op Doug Milsome, scène qui peut rappeler l’ouverture de Shining.
Et paradoxalement, là, il prend pour sujet un huis clos claustrophobique !
Oui, mais dès qu’il a l’occasion de filmer des extérieurs, il est en pleine possession de ses moyens. La mort de David Morse est à cet égard une des plus belles scènes du film. La manière avec laquelle il parvient à faire exister les grands espaces dans un huis clos de série B est quand même fascinant ! Tout ce qui se passe dans la maison reste brillant du point de vue de la mise en scène, mais que c’est dès qu’il est en extérieurs que Cimino prend toute son ampleur.
Bien qu’une commande, en quoi Desperate Hours demeure-t-il un film personnel ?
On y retrouve la signature de Cimino : l’arche dans la maison, qui rappelle celle de Chinatown dans L’Année du Dragon, et celle du club dans lequel se retrouvent John Hurt et Sam Waterson dans Heaven’s Gate. Desperate Hours est un film too much, on est d’accord. Mais en raison de sa surenchère filmique, il en devient mémorable. Plus sage, le film aurait complètement disparu des mémoires. Tous ceux qui ont vu Desperate Hours ne peuvent oublier les moments de pur cinéma, même si le reste peut paraître moins fort. C’est un film travaillé de l’intérieur par une énergie de mise en scène pratiquement intacte. On la retrouvera encore dans Sunchaser, même si le scénario est parfois simpliste et naïf. Mais Cimino est déjà diminué. Et le film date de plus de 20 ans... Je pense que Cimino ne fera plus de cinéma.
Et puis, comparons-le avec Les Nerfs à Vif (Cape Fear), autre remake sorti la même année, beaucoup plus emphatique, porté au pinacle, alors que c’est un des plus mauvais films de Scorsese. Mis à part un très beau générique, quand Scorsese veut faire du De Palma, ça tombe complètement à plat et c’est grotesque. Le film de Cimino est davantage tenu. Et tient beaucoup mieux la route que celui de Scorsese.
Anderton
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