En DVD : Dans le cadre de sa Collection Cinéma, TF1 Vidéo a sorti huit rééditions de films français oubliés, parmi lesquels quelques pépites. Focus sur deux films étonnants réalisés par Henri Verneuil : La Table aux crevés (1952) et Des Gens sans importance (1956). Avec des rôles à contre-emploi pour Fernandel et Jean Gabin.
La Table aux crevés : vendetta chez Pagnol
Dans un petit village de Provence, Urbain, paysan de son état, a le gringue pour la belle Jeanne, qui vient d'un village de pêcheurs voisin. L'amour est réciproque mais voilà, Urbain est marié. Or, en rentrant chez lui, Urbain découvre sa femme pendue. Il n'est pas plus triste que ça : le couple ne s'entendait pas. De là à penser qu'Urbain a tué sa femme... les rumeurs vont bon train dans le village. Après le temps du deuil, Jeanne rejoint Urbain mais voilà, le frère de Jeanne est furieux : il vient de sortir de prison et il est convaincu que c'est Urbain qui l'a envoyé au mitard.
Adapté du roman de Marcel Aymé, La Table aux crevés est marqué par l'humour grinçant de l'écrivain et sa vision féroce de l'humanité. Le film balance en permanence entre tragédie et comédie. Nous voici dans une Provence de Pagnol plongée dans une atmosphère de vendetta corse. Pour son premier long-métrage, Henri Verneuil fait montre de sa grande maîtrise technique. Il faut dire que le cinéaste était alors un assistant-réalisateur chevronné et qu'il avait déjà signé près d'une vingtaine de courts-métrages. Sens du cadrage, mouvements de caméra discrets mais pleins de sens, magnifique photo en noir et blanc. Verneuil le Marseillais a su magnifier les paysages de sa terre natale et saisir toutes les nuances de personnalités certes pittoresques mais jamais uniformes. Fernandel joue d'ailleurs un personnage ambigu, pas forcément très sympathique, ni un salaud non plus mais loin des rôles gentils et bonhommes auxquels ils nous a habitués. On suit tout ce petit monde se déchirer, s'invectiver jusqu'à un final inattendu.
Des gens sans importance : néo-réalisme à la française
Après huit films tournés principalement avec Fernandel, Verneuil s'associe à un autre géant du cinéma français : Jean Gabin. Il y interprète Jean Viard, un camionneur qui avale les kilomètres avec son coéquipier, Pierrot (Pierre Mondy). Une vie de forçats de la route. De retour chez lui, Jean affronte les reproches de sa femme et l'insolence de sa fille aînée (Dany Carrel). La lumière vient de Clo (Françoise Arnoul), la belle serveuse du relais-routier. Une idylle naît.
Surprise : Gabin, le daron du cinéma français, le tatoué, interprète ici un personnage falot, dépassé par les événements. Inhabituel mais l'acteur s'en sort et parvient à mettre sous éteignoir la mâle assurance qui était sa marque de fabrique. Face à lui, Françoise Arnoul, qui a déjà tourné à plusieurs reprises avec Verneuil, impose son charme et sa fragilité. Pierre Mondy excelle dans le rôle du bon copain, fidèle et serviable. La toute jeune Dany Carrel tient tête à la star avec gouaille et assurance. Faut le faire ! On est aussi heureux de voir Paul Frankeur et Robert Dalban (dans le rôle de l'ordure).
Verneuil signe un drame néo-réaliste, abordant de manière crue la question de l'avortement. Onze ans après la fin de la guerre, le cinéaste montre une France marquée par la misère, tant économique que morale. Dur mais fort.
Pour chaque film, TF1 Vidéo propose une belle version restaurée, accompagnée d'un bonus passionnant : la présentation du film par deux critiques qui débattent avec beaucoup de verve et d'humour. Ne boudons pas notre plaisir.
Anderton
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