jeudi 26 novembre 2015

Deux Ang Lee pour le prix d’un coffret

En DVD : 2 Ours d’Or, 2 Lions d’Or, 1 Oscar du meilleur film étranger, 1 autre comme meilleur réalisateur... le Taïwanais Ang Lee présente un palmarès édifiant. Sans compter ses triomphes au B.O. – Tigre et dragon, Le Secret de Brokeback Mountain, L’Histoire de Pi. Et pourtant, son œuvre reste insaisissable, laisse peu de prise : quoi de commun entre sa version de L’Incroyable Hulk et son adaptation du classique de la littérature britannique Raison et Sentiments, de Jane Austen ?


Carlotta vient à point nommé rééditer 2 des 3 premiers films du cinéaste – manière d’identifier des lignes thématiques présentes dès ses débuts au cinéma. Ces deux films constituant les deux derniers volets d’une trilogie, Father knows best.


Garçon d’honneur

Avec son 2e film (1993), Ang Lee tourne pour la 2e fois aux Etats-Unis (après Pushing Hands, inédit en France) pour un film qui aborde de front le sujet de l’homosexualité masculine, sujet tabou en Chine ou à Taïwan. Wei-Tong, naturalisé américain, voit ses parents débarquer à New York pour un mariage blanc, alors qu’ils ignorent tout de son homosexualité. A partir d’un pitch qui aurait pu tourner à une comédie de boulevard, Ang Lee livre une habile comédie de moeurs, qui  joue certes sur les quiproquos et s’inscrit dans un modèle classique hollywoodien – la comédie du remariage -, mais sert de prétexte à une réflexion sur le conflit des générations, d’attitudes entre Chinois continentaux et Taïwanais, et à une brillante satire sur le melting pot américain. On y détecte tout de suite ce qui rassemble in fine Hulk et les héros de Brokeback Mountain : le poids des normes sociales, et les conséquences qui pèsent sur ceux qui tentent de s’en affranchir. Ours d’Or à Berlin en 1993 – il en obtiendra un second en 1996 pour Raison et Sentiments.


Salé Sucré

Retour à Taïwan, sa terre natale, pour le cinéaste en 1994, avec un film délicat, salé-sucré, entre drame et comédie. Sorte de variation du Roi Lear – l’histoire des rapports entre un vieux chef de cuisine taïwanais, veuf depuis 16 ans, et ses trois filles qui ont quitté le domaine familial – Salé sucré s’articule autour des repas préparé par le chef. Viandes nettoyées, laquées, légumes finement découpés, pâtes pétries et rôties, le film met l’eau à la bouche ! D’où des scènes d’une délicatesse et d’une sensualité qui visent à combler le mal d’affection dont sont souffrent les personnages. La trajectoire du père, se rapprochant de la mort, constatant la vacuité de son art, est absolument bouleversante. Là encore, se font jour des lignes de force qui in fine serviront de fil rouge à toute l’œuvre du réalisateur de Ice Storm : conflit de générations, conflit entre modernité et tradition, opposition entre rituels sociaux et affirmation de soi...


Profusion de bonus

Toujours pas convaincu par le cinéaste ? Je vous encourage à découvrir les très nombreux bonus qui accompagnent ces deux éditions. Ang Lee revient en détails sur la genèse de chacun des deux films au cours d’entretiens de plus de 25 mn ; son scénariste James Schamus revient sur la trilogie, en détaillant les raisons du triomphe commercial d’Un garçon d’honneur et les différences entre tournages américains et taïwanais ; enfin, un making of pour Salé sucré et un entretien avec l’un des principaux acteurs de Garçon d’honneur, complètent ce festin Ang Lee !

Travis Bickle

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