Buzz : X-Files a fait son grand retour sur les écrans américains la semaine dernière. Si M6 n’a pas encore annoncé officiellement la date de diffusion, il ne fait aucun doute que ça ne tardera pas beaucoup. L’époque où un diffuseur local pouvait imposer une diffusion à son rythme est révolue. Aujourd’hui il est tellement simple d’accéder à un contenu illégalement (à travers du streaming ou du téléchargement) ou par des moyens détournés (VPN et Proxy), qu’il serait suicidaire de trop séparer une diffusion française d’une diffusion américaine.
X-Files, peut-être plus que n’importe quelle autre série, est un véritable symbole de la révolution que fut internet dans la diffusion audiovisuelle. La série est née en 1993 et diffusée pour la première fois en France en 1994. Cette année ne vous évoque peut être rien et pourtant c’est une date charnière, car elle correspond à la naissance du premier fournisseur d’accès grand public en France : Worldnet. Concrètement cela signifie que X-Files est née dans une autre ère, où la vie d’un "geek" était bien différente. Un temps où pour la quasi-totalité des Français, la culture série se limitait à ce que diffusaient les chaînes françaises, qui maîtrisaient pleinement leur calendrier et leur marketing. Un temps où le petit nombre de fans de séries ne pouvait compter que sur les quelques experts du genre pour s’informer des diffusions américaines, espérer en voir une image et une bande annonce, et prier pour une éventuelle diffusions française.
Les bibles d’alors s’appelaient Génération Séries, ce magazine qui proposait de longs dossiers et des guides d’épisodes (une véritable rareté). Coté télé, les chanceux qui étaient abonnés au câble dévoraient Canal Jimmy et son Destination Série, présentée par le maître du genre, Alain Carrazé, qui nous régalait avec ses émissions consacrées aux séries cultes mais aussi aux séries du moment. Beaucoup d’entre nous ont découvert ce à quoi ressemblait une bande annonce de série aux Etats-Unis à travers cette émission restée culte.
Générique De L'emission Destination Series 1997... par BASF13
X-Files va être diffusée jusqu’en 2002, et au cours de ses 9 saisons, la façon que nous avions de nous informer, de communiquer et finalement de consommer, va évoluer considérablement.
De la VHS au web
X-Files fut une vraie série de fan. N’y voyez pas une remarque péjorative. X-Files fait partie de ces séries dont les amateurs voulaient tout voir, tout savoir, tout connaître (de préférence avant tout le monde) et avoir la possibilité d’en parler avec d’autres passionnés. Internet va offrir toutes ces possibilités. Car même s’il n’en est qu’à son balbutiement au milieu des années 90, très rapidement, les premiers sites se créent, offrant tout ce qu’il était bien difficile de trouver quelques années plus tôt.
A la fin des années 90, la vidéo sur internet reste une rareté mais offre déjà la possibilité de visionner les bandes annonces des épisodes sur le site de la Fox. Attendre la diffusion de la saison suivante alors que nous avions déjà accès à toutes ces informations en direct des Etats-Unis devenait de plus en plus insupportable. Mais faute de technologies vidéo suffisantes et de débits qui restaient assez faibles, les diffuseurs pouvaient encore imposer leur rythme. C’était également l’occasion pour la Fox de nous vendre en VHS le gros double épisode de la saison suivante pendant la période de break entre deux saisons... et nous l’achetions sans hésiter.
Quand X-Files prend fin en 2002, plus de 16 millions de Français ont accès à internet. Free vient d’annoncer son abonnement à 29,99 € pour de l’ADSL illimité et les nouvelles technologies de compression vidéo rendent tout à fait possible l’échange d’épisodes entiers à vitesse raisonnable.
Si X-Files n’en souffrira que peu, les séries qui viendront ensuite seront largement partagées (piratées) et le fan de séries des années 2000 aura bien plus de facilités à assouvir sa passion que le celui des années 90 et d’avant.
Netflix Files
En 2016, X-Files revient donc dans un monde transformé (le scénario du premier épisode de la saison 10 joue d’ailleurs largement sur ces changements). Face au piratage, les diffuseurs locaux ont dû s’adapter. Le H24 (diffusion le lendemain de la diffusion originale) est de plus en plus commun, et il faut rarement attendre plus de quelques mois pour voir arriver les nouveaux épisodes d’une série à la mode. Mais la transformation continue. On parle maintenant bien d’une globalisation de la diffusion. Ce qui est déjà une réalité pour les pirates depuis plus de dix ans semble irrémédiablement devoir devenir une vérité pour les diffuseurs et les producteurs.
Netflix a montré qu’une stratégie de diffusion mondialisée était possible. Le géant américain de la SVOD vient d’annoncer le lancement de son produit dans 130 pays, quasiment le monde entier hors de la Chine. Si le catalogue proposé reste bien différent selon les pays, Reed Hastings, le patron de Netflix, ne cache pas avoir pour ambition de proposer et d’imposer des droits de diffusion globaux. Y arrivera-t-il ? Ce n’est pas certain. Mais avec ou sans Netflix, la voie de la globalisation semble inéluctable. Rien n’empêche aujourd’hui un géant comme Disney de lancer mondialement une application façon Netflix qui offrirait l’incroyable richesse de son catalogue pour le prix d’un abonnement. De ses séries pour tout-petit aux blockbusters Marvel et Lucasfilm, l’offre serait incroyablement sexy.
X-Files en 2035
Alors à quoi ressemblera la télé en 2035, quand papy Mulder et mamie Scully se retrouveront pour une dernière saison inédite ? On peut imaginer un monde où les opportunités de la globalisation auront poussé les grands studios américains à proposer le même service partout dans le monde. Etant propriétaires de leurs programmes et des canaux de diffusion, ils pourront sans peine proposer leur catalogue sur tous les territoires.
Le Français abonné découvrira X-Files saison 20 le même jour et sur le même support que le Californien ou le Chinois. Sur l’application de la Fox ? Ce n’est pas certain. La fragmentation des offres d’abonnements n’aura pas permis à tous de s’imposer, et les années 2020 auront été celles de la consolidation et des rapprochements entre mastodontes du divertissement. La totalité des catalogues mondiaux seront partagés entre 3 ou 4 géants et le prix des abonnements aura probablement monté en flèche.
Et les diffuseurs locaux dans tout ça ? Privés des catalogues américains et faisant face à une complétion à armes inégales, peu survivront. Ils devront s’appuyer sur leurs propres productions, uniquement locales, pour survivre. Les sports leurs permettront peut-être de sortir la tête de l’eau, même si techniquement, plus rien n’empêchera les ligues de proposer directement leurs programmes aux consommateurs. Ou peut-être que les acteurs locaux seront eux-aussi rachetés par les géants de l’Ouest et de l’Est.
1994 fut, sur bien des aspects, le point de départ d’un nouveau monde pour l’industrie du divertissement en France. Il ne nous reste plus qu’à espérer que cette histoire se termine mieux que ne l’a fait la série de Chris Carter.
L'Oncle Owen
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