En salles : Porté par l'immense Bryan Cranston, Dalton Trumbo, qui sort ce mercredi sur nos écrans, met brillamment en lumière la chasse aux sorcières qui a sévi à Hollywood à l'après-guerre et le combat d'un homme contre l'injustice.
Cet homme, c'est Dalton Trumbo. Un scénariste qui, comme d'autres talents à Hollywood, est communiste. Ce que la Commission des activités anti-américaines voit d'un très mauvais oeil. En 1947, les membres de la Commission convoquent des artistes "rouges" à une audience pour qu'ils répondent à la question : "Êtes-vous encore, ou avez-vous été membre du parti communiste ?". Dix d'entre eux refusent de se plier à cette injonction. Dalton Trumbo prononce alors ces mots à la fois forts et pleins d'humour : "Je répondrai par oui ou par non si cela me convient de répondre ainsi. Je répondrai en utilisant mes propres mots. Il y a beaucoup de questions auxquelles il ne peut être répondu par "oui" ou "non" que par un imbécile ou un esclave". Il écope alors de onze mois de prison.
Comme les autres blacklistés, Trumbo ne peut plus travailler à Hollywood. Il s'exile alors un temps au Mexique mais continue d'écrire sous divers noms d'emprunts. Au point qu'il remporte deux fois l'Oscar du meilleur scénario, pour Vacances romaines (1954) et Les Clameurs se sont tues (1957), sous de faux noms ! Décidés à balayer cette hypocrisie et cette injustice, Kirk Douglas et Otto Preminger confient en 1960 à Trumbo l'écriture de scénarios - Spartacus pour le premier, Exodus pour le second - qu'il pourra signer ouvertement...
Cranston au plus haut
Le film revient sur ce moment-clé de la vie de Trumbo. La mise en scène et les dialogues sont enlevés. Jay Roach met sa science de la comédie (Austin Powers, Mon Beau-père et moi, Moi député), où tout est affaire de rythme, au service du récit. Pas de temps mort. Ni de pathos, et c'est tant mieux.
Refusant également de sortir les violons, Bryan Cranston incarne avec pétillance un esprit brillant, un homme engagé, farfelu (il adorait écrire dans son bain), père et mari aimant, à l'ego démesuré, pétri de contradictions (sympathisant communiste aimant vivre dans le luxe), ce que ne manquait pas de lui faire remarquer ses amis proscrits. Et c'est tout en finesse que l'acteur fait passer les doutes de Trumbo, ses failles, son égoïsme, ses blessures. Son interprétation, digne de l'Oscar, porte le film sans le cannibaliser, ni occulter celles de ses partenaires, tous justes : Louie C.K., Elle Fanning, Diane Lane, Helen Mirren, Adewale Akinnuoye-Agbaje, John Goodman.
Ajoutez à cela une formidable photo de Jim Denault, qui donne au film un cachet vintage des plus réussis. J'avais vu Dalton Trumbo dans l'avion en mars dernier et même dans ces conditions, j'avais été emballé par ces couleurs qui rappellent les productions hollywoodiennes des années cinquante.
Scénariste maudit, maudit scénariste
Ce n'est pas tous les jours que le scénariste est vedette d'un film. On pense bien sûr à Barton Fink des frères Coen mais je me rappelle d'un film promotionnel pour Le Zinzin d'Hollywood (The Errand Boy, 1961). Dans ce petit clip, Jerry Lewis incarne un producteur à gros cigare qui fait une visite d'un plateau de cinéma : il présente le réalisateur (Jerry Lewis, coiffé d'un bérêt, monocle à l'oeil, aboyant des ordres en allemand avant de devenir sirupeux face au producteur), la star (encore Jerry Lewis) puis explique que l'élément le plus important, c'est le scénariste. Il ouvre alors un placard et on y découvre le scénariste exténué (encore Jerry Lewis), avec une machine à écrire sur les genoux, les cheveux en bataille, les lunettes de travers, qui s'empresse de baiser la main du producteur. Drôle et totalement vrai sur la place du screenwriter à Hollywood.
Pour en revenir à Dalton Trumbo, je vous recommande chaudement la lecture de I Am Spartacus, de Kirk Douglas, publié aux éditions Capricci. Kirk Douglas dont le film rappelle le courage, alors que John Wayne n'en sort pas grandi, ni Edward G. Robinson. Allez voir Dalton Trumbo : ce n'est pas si souvent que nous avons l'occasion de voir un film aussi intelligent que divertissant.
Anderton
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