L'équipe de CINEBLOGYWOOD est heureuse d'accueillir un nouveau rédacteur : Sam Lowry. Il écrit ses papiers avec la chanson Brazil dans la tête...
En salles : Du 13 au 19 avril, le cinéma parisien Les Fauvettes accueille le festival Play it again ! ("les films d'hier dans les salles d'aujourd'hui"), l’occasion de revoir des classiques en version restaurée. Du coup, on a revu Mauvais Sang, de Leos Carax, sorti en 1986 et présenté en ouverture du festival.
Dans Mauvais Sang, on retrouve le personnage d’Alex (Denis Lavant), qu’on découvrait dans Boy meets girl déambulant dans les rues de Paris, espionnant des couples pour trouver l’inspiration. Tourné deux ans plus tard, Mauvais Sang le montre au bras de Lise (Julie Delpy). Le père d’Alex, Jean, vient de mourir écrasé par un métro, sans qu’on sache s’il s’agit d’un meurtre ou d’un suicide. L’associé de Jean confie à Alex la mission que son père devait accomplir avant de mourir : récupérer la culture de cellules qui permet à un laboratoire américain de développer un vaccin contre le STBO, un rétrovirus qui vient de faire son apparition...
Paris tourne au ralenti, écrasée par la chaleur dégagée par le passage de la comète de Halley. Le STBO se répand, touchant les couples qui ont des relations sexuelles sans éprouver de sentiments. On pourrait croire qu’il s’agit de faire une chronique des années 1980, avec l’arrivée du Sida : Denis Lavant qui court dans la rue sur la chanson de David Bowie Modern Love, ce serait l’image d’une génération qui essaie de s’aimer malgré tout et surtout malgré la maladie.
Déjà trop tard
Mais Mauvais Sang, c’est surtout l’histoire d’Alex et de son amour impossible avec la femme de Marc (Michel Piccoli), jouée par Juliette Binoche. Le film montre le parcours initiatique d’Alex : il quitte Lise pour des raisons assez obscures, on pourrait penser qu’il veut voir leur amour comme une histoire de jeunesse, et Anna représenterait l’amour adulte. La mission qu’il reprend de son père serait alors une suite d’épreuves à surmonter pour conquérir le personnage de Juliette Binoche. De ce point de vue, le contexte est secondaire : le Sida est sublimé en un virus presque romantique, puisqu’il est transmis lorsque les amants n’ont pas de sentiments l’un pour l’autre, comme Thomas, avec qui Lise trompe Alex. De même, le passage de la comète n’a d’impact sur l’intrigue que lorsque, pour traverser la rue surchauffée par le rayonnement de la comète, Anna, pieds nus, doit se laisser porter par Alex.
A vouloir vivre cet amour adulte, Alex se brûlera les ailes. Anna lui est interdite : elle ne se donne qu’à Marc, et elle dit bien à Alex qu’elle ne veut qu’un homme de 20 ans son ainé, ou de 20 ans son cadet. Mais pas l’entre-deux que représente Alex, cet adolescent qui lui sert le même discours qu’il a couché sur le papier pour quitter Lise, et qui cite les autres ("Le temps d’apprendre à vivre, il est déjà trop tard"), mais n’a pas ses propres mots.
De Godard à Carax
Mauvais Sang est comme l’héritier de la Nouvelle vague : comme dans Pierrot le Fou, l’image s’autonomise par rapport au son ; celui-ci est une trame sur laquelle les gros plans s’enchaînent (sur les cartes à jouer d’Alex ; sur le briquet de Marc, qui prend la place du métro dans la scène d’ouverture, comme la lame de couteau de Luis Buñuel remplace le nuage). A plusieurs reprises, les paroles des personnages sont couvertes par les bruits ambiants, la première demi-heure du film est plus proche de l’expérimentation visuelle que du film policier : tout cela interroge le spectateur quant à l’importance qu’il doit accorder à l’intrigue, au profit de l’expérience visuelle. Celle-ci emprunte beaucoup (comme Pierrot le fou) à l’esthétique de la bande dessinée (la scène à l’aérodrome est une mise en scène d’un passage de L’Ile mystérieuse, l’aventure de Tintin), et l’on se dit que, si l’intrigue n’a pas tant d’importance que cela, c’est bien qu’il faut chercher du côté de la seule histoire qui compte vraiment aux yeux d’Alex, à savoir la quête d’Anna.
Sam Lowry
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