En salles : En cette période inquiétante, où la société française affiche ses fractures, ses divisions, où la haine s'insinue dans le moindre débat, voir Compagnons apporte un immense réconfort et redonne espoir. Le film de François Favrat, qui réunit Agnès Jaoui, Pio Marmaï et Najaa, replace au coeur d'une belle histoire des valeurs humaines fortes, en évitant prêche et poncifs.
Dans une cité nantaise, Naëlle échappe à l'ennui en réalisant des fresques de street art et en dessinant dans sa chambre. Ce qui ne l'empêche pas de faire des conneries. D'où l'obligation de participer à un chantier de réinsertion, sous le responsabilité d'Hélène. Mais une nouvelle embrouille, avec des dealers du quartier à qui elle doit une grosse somme d'argent, l'amène à se faire discrète. Hélène lui propose d'intégrer la Maison des Compagnons de Nantes et d'apprendre le métier de vitrailliste, sous la formation de Paul. Lequel n'est pas convaincu par cette nouvelle recrue.
Une jeune des quartiers défavorisés en quête de rédemption dans un univers auquel elle est totalement étrangère... Sujet ô combien casse-gueule. Pourtant, François Favrat et sa coscénariste Johanne Bernard parviennent à dérouler un récit qui évite toutes les chausse-trapes : bons sentiments, discours moralisateur, clichés. Le duo a créé des personnages qui dévoilent progressivement toute la complexité de leur personnalité. Des personnages attachants qui cachent tant bien que mal leurs blessures derrière une sacré force de caractère, ou l'inverse. Et ils sont habités par trois comédiens formidables.
Agnès Jaoui apporte douceur et bienveillance à Hélène, la "mère" de la Maison des Compagnons. Elle incarne une figure rassurante, compréhensive, humaine, avec ce qu'il faut de doute personnel. Il ne faut pas croire que Pio Marmaï joue toujours des rôles vénères : il excelle à camper des êtres révoltés, des écorchés vifs, auxquels il confère une impressionnante force, autant physique que psychologique. Ici encore, Marmaï réussit la performance d'associer cette expression de puissance à une fragilité qui affleure en permanence. Quel acteur ! Et puis, il y a une révélation : Najaa. Elle illumine chaque scène où elle apparaît d'une énergie vibrante, brute, dont on ne sait jamais si elle va rayonner ou exploser. Sa sincérité est tout simplement bouleversante. Le reste du casting est également composé de jeunes comédiens qui apportent fraîcheur et vitalité au film.
Et puis François Favrat nous ouvre les portes d'une Maison dont les piliers sont des valeurs qui pourraient sembler surannées. A l'image des monuments de pierre érigés par les Compagnons, ces valeurs ont su au contraire résister au temps et aux modes. Le film nous montre des hommes et des femmes qui cultivent le goût du travail bien fait, chérissent la transmission du savoir et mettent en pratique au quotidien le respect et la fraternité. Certaines séquences de cérémonies font monter les larmes. Pour autant, aucun vision passéiste : Favrat montre comment l'art millénaire du vitrail peut se réinventer au contact du street art. Sa mise en scène, au service de l'histoire, réserve quelques belles idées qu'il met en oeuvre sans esbrouffe. Un vitrail coloré qui donne à voir la ville et Naëlle autrement, les reflets des vitres du train qui emmène la jeune femme vers sa nouvelle vie... Simple et beau.
Anderton
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