jeudi 12 mai 2022

The Duke : le papy farfelu qui se rêve Robin des bois

The Duke CINEBLOGYWOOD

En salles : Si la télévision et le cinéma britanniques ont remis l'aristocratie au goût du jour avec Downtown Abbey, nos voisins d'Outre-Manche savent également mettre en scène et en valeur la working class de leur pays. Réalisateur de Coup de foudre à Notting Hill (1999), Roger Michell signe avec The Duke une comédie touchante tirée d'une histoire vraie : celle d'un papy qui joue les Robin des Bois après avoir volé l'un des plus célèbres tableaux de la National Gallery. Tout ça, pour une histoire de redevance télé !


Goya a peint le portrait du Duc de Wellington, célèbre notamment pour avoir défait l'armée de Napoléon à Waterloo. Par son sujet et son auteur, ce tableau est donc un double trésor national qu'un riche Américain souhaite acquérir en 1961 et emporter aux Etats-Unis. Emoi en Grande-Bretagne. Le gouvernement britannique débourse alors la somme astronomique (pour l'époque) de 140 000 livres pour conserver l'oeuvre d'art et l'exposer à la National Gallery, à Londres. Pour Kempton Bunton, un sexagénaire de Newcastle qui vit de petits boulots, c'est un scandale. Car dans le même temps, l'Etat oblige les citoyens à payer une redevance pour regarder la télé. Lui refuse catégoriquement et manifeste tout seul dans la rue, à la grande honte de son épouse Dorothy, femme de ménage chez un notable local. Bunton se rend alors au musée londonien et vole le tableau. En échange de sa restitution, il exige que les personnes âgées soient exemptées de payer la redevance. Les limiers de Scotland Yard n'y comprennent rien.

Incroyable mais vrai, serait-on tenté de lâcher, paraphrasant Jacques Martin. Mais n'allez pas vous plonger dans cette affaire avant de voir le film. Laissez-vous émouvoir par un duo de comédiens qui en fait tout le charme. Jim Broadbent campe un merveilleux papy, aussi farfelu qu'entêté, dont "l'activisme" foutraque nous apparaît incongru et irresponsable. D'autant qu'il fait passer son combat avant le travail et que la pauvre Dorothy peine à joindre les deux bouts en faisant le ménage dans les beaux quartiers. Helen Mirren, qui a incarné Elizabeth II dans The Queen (2006), revêt à nouveau les habits d'une vieille dame un peu aigrie et dépassée par les événements. La comédienne semble avoir pris vingt ans d'âge. Elle évolue sans coquetterie, fatiguée, amère. Dorothy fait presque figure de mégère face au brave Kempton. Mais Dame Helen va peu à peu exprimer la souffrance de cette femme qui tient le foyer à bout de bras tandis que Jim Broadbent va révéler le désarroi de son personnage quand il se rend compte qu'il s'est comporté en égoïste. Jusqu'à un final jubilatoire dans un tribunal où le papy va faire preuve de drôlerie et montrer qu'il est moins farfelu qu'on ne le croyait. Les autres acteurs sont à la page, citons notamment Fionn Whitehead (Dunkerque) dans le rôle du fiston, tiraillé entre l'amour qu'il porte à son paternel et son envie de décamper fissa, et Matthew Goode (The King's Man Première mission), impeccable avocat du Robin Hood geordie.

Pour son dernier film, Roger Michell (qui est décédé en septembre 2021) trouve le ton juste pour nous faire rire et nous émouvoir. On sent toute l'empathie qu'il porte à ses personnages, des braves gens qui vivent chichement et pas exempts de défauts mais pour lesquels le partage et la solidarité ne sont pas des vains mots. Le cinéaste fait revivre les quartiers populaires du nord de l'Angleterre. Pas de discours appuyé pour mettre au jour les inégalités et le système de classe alors bien en place au Royaume-Uni. The Duke nous rappelle que la vraie noblesse vient du coeur.

Anderton


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