A lire : Il n'y a pas que Cannes dans la vie, il y a aussi Venise. Mais dans Sirocco, publié chez Ankama, rien à voir avec un festival de cinéma. Giulio Macaione signe un roman graphique délicat sur une famille italienne qui peine à exprimer ses sentiments et assumer ses envies.
A l'instar de l'acqua alta qui submerge tranquillement la Cité des Doges, les émotions de Mia la fille, Gianni le père et Elsa la grand-mère sont prêtes à se déverser, débordant de la chape psychologique que ces trois générations d'une même famille a mise en place pour les contenir. Et pour cause, chacun arrive à un moment de basculement dans sa vie : Mia qui s'entraîne dur pour devenir ballerine a la possibilité de passer une audition pour rejoindre un corps de ballet à Milan. Ce qui signifie quitter Venise, son père gay qui n'ose pas se mettre en couple et sa grand-mère qui se remet d'un cancer. Gianni, en effet, ne semble pas prêt à refaire sa vie, tout entièrement voué à l'éducation de Mia. Mais quand Elsa découvre que le crabe est revenu la ronger, elle retourne précipitamment en Sicile, dont elle est originaire. Inquiets, Gianni et Mia partent à sa recherche.
Dans Basilico, sa précédente BD, Macaione avait exploré avec sensibilité les secrets d'une famille sicilienne - une terre qu'il connaît bien puisqu'il est palermitain. Une fois de plus, l'artiste prouve qu'il excelle à exprimer les sentiments de ses personnages. Des personnages jamais caricaturaux mais riches de toutes leurs contradictions et dont il parvient à nous faire partager les joies, les douleurs, les doutes... L'artiste expose de nouveau la pression sociale qui empêche le trio de réaliser ses aspirations, d'atteindre le bonheur. La société est un carcan, la famille une cage plus ou moins dorée. Mais en un coup de sirocco, les digues mentales s'écroulent sous le flot des sentiments. Après la crue, la lagune retrouve son niveau d'avant. Le soleil brille, la vie est belle.
Cette délicat exploration de l'intime est mise en images avec tout autant de délicatesse. Le trait de Macaione s'est affiné, lui permettant de réaliser des dessins gracieux et de faire passer les émotions des personnages à travers des visages très expressifs. L'auteur a le sens de la mise en page. Il a articulé son récit autour de trois chapitres associés chacun à une couleur - le bleu, l'ocre, le violet - qui rend compte autant d'une atmosphère que des lieux. Des lieux dont Macaione sait saisir la beauté et l'âme. Encore un bel album.
Anderton
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