En salles : Maïwenn agace, Maïwenn dérange, Maïwenn secoue – au moins, son cinéma ne laisse pas indifférent. Quatre ans après le triomphe cannois et public de Polisse, la voici de retour avec Mon Roi, chronique d’un amour racontée en flash-backs, du point de vue de l’héroïne clouée en centre de rééducation, à la suite d’une chute de ski.
Pas de spoiler, c’est la première scène du film, qui donne immédiatement le ton : celle d’une plongée dans
les affres de la vie conjugale d’un couple de quadras, incarné avec puissance
par Emmanuelle Bercot et Vincent Cassel. Laissez-vous embarquer dans cette
descente, pour au moins trois raisons.
Plongée dans l’intime
Adepte
des plongées dans l’intime – Pardonnez-moi
– la réalisatrice n’apparaît pas cette fois-ci à l’écran. Signe d’une prise de
distance qui lui permet de mieux mettre en perspective son sujet :
l’addiction amoureuse, la spirale destructrice d’une femme pour un homme dont
elle ne voit pas le côté névrotique. Racontée en flash-backs, l’histoire
d’amour prend ainsi des reliefs beaucoup plus forts que si elle avait été
narrée au quotidien. Ensuite, le fait qu’elle n’apparaisse pas à l’écran lui
permet de s’affranchir des inévitables questionnements concernant les éléments
autobiographiques du scénario. Mieux : en s’offrant à l’écriture la
complicité d’Etienne Comar, scénariste de Des
Hommes et des dieux, elle donne à son couple central les contre-points
qu’il leur fallait, leur miroirs déformants, en la personne de Louis Garrel et d’Isild
Le Besco, sa propre sœur dans la vie, ici en clone d’Isabelle Adjani. Leur duo
est ainsi irrésistible de drôlerie et de grotesque, là où le couple Cassel-Bercot
peut s’abîmer dans le pathos, voire l’hystérie.
A la limite du grotesque
Exaltation
de la rencontre amoureuse, puis description de la descente aux enfers face au
quotidien, la relation amoureuse décrite par Maïwenn ressemble aux Alpes de ses
1ères images, à de véritables montages russes. Fêtes, rigolades, rencontres
improvisées, baises furieuses, dans un 1er temps ; bébé, affres
du quotidien, dettes, poids des copains, doutes, tromperies, séparation dans un
second temps. Le tout montré sans nuances. Ce qui fait à la fois la force du
film, mais également sa limite : le grotesque n’est pas loin… Et c’est
dommage, car certaines scènes flirtent avec le naturalisme d’un Pialat, la
précision entomologique d’un Bergman et l’entêtement des héroïnes de Lars von
Trier, malheureusement, sans leur vérisme, leur force et leur fantastique.
Pire : on n’évite pas le pathos de certains reality shows, tels Vis ma
vie, Confessions intimes ou Ça se discute. A de rares exceptions près. En
outre, l’action s’éparpille dans le présent : celui d’une rééducation
physique en centre hospitalier, avec d’autres patients, plus jeunes, et qui
donnent prétexte à des scènes de virées en ville parfaitement incongrues et
hors de propos.
Impressionnant travail d’acteurs
Reste
un impressionnant travail d’acteurs. Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot en
tête. Deux styles – l’un davantage dans l’impro, l’autre dans la préparation
physique et émotionnelle – qui donnent une véracité à l’histoire de ce couple
qui se construit et se détruit. Prix d’interprétation féminine à Cannes
largement mérité pour Emmanuelle Bercot. Face à eux, quelques silhouettes
inutiles – les comparses d’Emmanuelle Bercot au centre de rééducation – ou
juste utilitaires – la bande de potes de Vincent Cassel – à une exception
près : le couple formé par Louis Garrel et Isild Le Besco, en exact
contre-pied du couple central, existe pleinement. Et donne l’occasion à leurs
acteurs de faire preuve d’une densité et d’un humour qu’on ne leur connaissait
pas jusque-là.
Travis Bickle
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