mardi 20 octobre 2015

Seul sur Mars : le nouveau come-back de Ridley Scott


En salles : Avec Seul sur Mars, Ridley Scott aborde un genre qu’il maîtrise parfaitement, la SF – Alien, Blade Runner – mais sur un ton qu’on ne lui connaissait pas – et qu’on ne connaissait pas au genre SF non plus. 

Aussi éloigné de la métaphysique d’un 2001 L'Odyssée de l'espace que de la parodie d’un Mars attacks, le film adopte le ton mi-goguenard mi-distancé de Space Cowboys. Pour autant, ce n’était pas gagné, vu ses derniers opus, tant sur le tableau de la SF – souvenez-vous du salmigondis Prometheus – que sur celui de la comédie – on ne peut pas dire qu’Une grande année soit resté dans les annales !
En adaptant le roman devenu culte aux Etats-Unis d’Andy Weir, le réalisateur Ridley Scott revient au premier plan, après les échecs de Promotheus et Exodus, Cartel demeurant l’exception. Bien sûr, l’approche réaliste des mécanismes de la NASA, du fonctionnement des stations orbitales ou des enjeux géostratégiques rappelle les inévitables Appolo 13, Mission to Mars, ou plus près de nous, Interstellar. Bien sûr, le genre – un survival dans l’espace – fera inévitablement penser au master-film d’Alfonso Cuaron, Gravity. Tout autant qu’à Seul au monde, de Robert Zemeckis, qu’au personnage de Robinson Crusoé.



Eloge de la bidouille

En même temps, sur la base d’un scénario documenté et drôle, Ridley Scott livre un éloge. Celui de la bidouille, de l’intelligence et de l’optimisme. Ce survival, qui narre l’attente 4 ans durant, d’un cosmonaute accidentellement abandonné sur Mars, et que personne n’entend crier, ou presque, aurait pu facilement tourner à la réflexion existentielle et métaphysique, façon Solaris, version Tarkovski ou Soderbergh. Là, ce qui prédomine, c’est le how to : comment cultiver ses patates dans une terre infertile à partir d’excréments ; comment réparer un sas de décompression avec une toile plastique ; comment réparer les satellites et engins de télécommunications avec la terre, etc. Bref, le parfait manuel de survie dans l’espace ! D’autant qu’il est animé par Matt Damon, la parfaite figure du good guy auquel on peut tous facilement s’identifier.
Manque un petit supplément d’âme
Ce réjouissant éloge de l’intelligence pratique, cette ode à l’optimisme, voilà ce qui fait tout le prix du film, d’autant qu’il est accompagné d’une BO volontairement et résolument 70’s – Bowie, Abba, Gloria Gaynor, Donna Summer – qui contribue à l’atmosphère du film. C’est aussi ce qui en fait sa limite. Dépourvu d’enjeux métaphysiques et scénaristiques (très peu d’éléments sur la vie privée du héros), le film se vide un peu de sa substance, telle une bulle de savon. En s’éparpillant notamment sur des enjeux secondaires – les étudiants travaillant pour la NASA – soit en s’auto-censurant sur d’autres aspects – manifestement, les personnages qui forment l’équipage ayant abandonné Matt Damon restent sous-écrits. Certes, irréprochable techniquement et artistiquement (les mise en scène de Ridley Scott, photographie de Dariusz Wolski, montage de Pietro Scalia, décors d'Arthur Max sont époustouflants), Seul sur Mars ne parvient pas à livrer ce petit supplément d’âme, qui aurait pu le faire rejoindre Gravity au firmament des meilleurs survivals.
Quand soudain…
Quand, soudain, dans un épilogue de 3 minutes, Ridley Scott, de manière discrète et inattendue, lâche le morceau, et révèle la véritable motivation qui l’a conduit à réaliser Seul sur Mars : dessiner un auto-portrait de l’artiste en maniaque du détail et du travail, un éloge du travail comme refuge et sublimation du quotidien, surtout quand celui-ci est dur, austère, inamical. Et comment ne pas y voir un hommage à son frère Tony décédé dans des conditions tragiques ? Et dont on sait que la disparition a fortement affecté Ridley, qui se réfugia alors de plus belle dans la finition de son diamant noir, Cartel ? Alors, là, oui, jaillit alors ce petit supplément d’âme, malheureusement trop tardif pour toucher durablement le spectateur. Reste un excellent spectacle, qui replace Ridley Scott une nouvelle fois parmi les réalisateurs qui comptent, à la carrière comparable à celle d’un éternel Sisyphe qui renaîtrait régulièrement de ses cendres.


Seul sur Mars, dès demain dans toutes les salles obscures.


Travis Bickle



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