En DVD : En cette époque trouble et inquiétante, où chacun aspire à davantage de sérénité, regarder I Know This Much Is True pourrait passer pour une épreuve qui confine au masochisme. La minisérie de Derek Cianfrance, relate en effet le destin de jumeaux, interprétés par Mark Ruffalo, dont la vie se résume à une succession de traumatismes et de tragédies. Et pourtant, cette bouleversante saga mérite d'être découverte.
Coluche disait : "Quand y a un avion qui s'écrase dans le monde, c'est sur les pompes à Roger Gicquel", alors présentateur accablé et accablant du JT. L'expression vaudrait tout autant pour Dominick Birdsey, à qui la vie n'a rien épargné. Au point que ce petit-fils d'immigré sicilien commence à penser qu'une malédiction s'est abattue sur sa famille depuis trois générations. La mort semble roder autour de lui et, avant qu'elle frappe, elle répand malheur sur malheur. Au boulot comme dans sa vie sentimentale, rien ne lui est épargné. Ces drames souvent cruels viennent aggraver le quotidien particulièrement lourd de Dominick, qui s'occupe de son frère jumeau Thomas, atteint de schizophrénie et dont les crises deviennent de plus en plus intenses.
L'amour de Dominick envers Thomas, sa détermination à protéger son frère de lui-même et des institutions médicales, sa résilience face à tout ce qui lui tombe dessus bouleversent le spectateur. On souffre avec lui et on s'indigne même de ce récit (adapté d'un roman signé Wally Lamb) qui lui fait subir le pire. On l'accompagne dans son combat présent et dans sa quête pour découvrir un lourd secret de famille. Comme lui, on est parfois prêt de jeter l'éponge. Toute cette douleur... Et puis, non, on s'accroche. on veut aller au bout et on fait bien.
Ruffalo bis
Mark Ruffalo est phénoménal. Outre la performance liée à l'interprétation de deux personnages, le comédien nous fait accepter ce qui pourrait être insupportable. Pour incarner les jumeaux Birdsey (les deux facettes d'une même personnalité... comme Hulk, tiens), tous deux enfermés dans leur prison psychologique et sentimentale, il signe une composition duale, où la retenue est associée à l'intensité. En un bafouillement, un regard perdu, un oeil qui cligne nerveusement, il exprime toute la détresse morale de Dominick et le conflit intérieur qui le ronge. Il transforme ses accès de colère en de poignants appels à l'aide. Et sous les traits de Thomas, il révèle la grande souffrance d'un homme ravagé par des pensées et des peurs incontrôlables.
Philip Ettinger, qui incarne les jumeaux au sortir de l'adolescence, est tout aussi impressionnant. D'ailleurs, tous les acteurs sont bons : Melissa Leo dans le rôle de la mère qui cache un secret, John Procaccino dans celui du beau-père brutal, Kathryn Hahn (qui nous a souvent bien fait rire, notamment dans Frangins malgré eux) dans celui de l'ex de Dominick, Juliette Lewis dans celui d'une universitaire égocentrique, Archie Panjabi dans celui d'une psy touchée par le drame des frères Birdsey... Formidable Rosie O'Donnell, qui joue une assistante sociale empathique et dévouée, tout dans le contrôle de ses émotions. Et Marcello Fonte, qui nous avait ému dans Dogman, campe ici un grand-père peu sympathique. Pour autant, à l'instar des autres personnages, il n'y a pas de méchant : juste des hommes et des femmes qui, finalement, tentent de faire du mieux qu'ils peuvent.
L'autre Amérique
Refusant tout pathos, Derek Cianfrance, coscénariste et réalisateur, s'attache à filmer le visage de ses comédiens. Au plus près. Pour saisir toutes les nuances d'émotion qui les traversent. En plans plus larges, il joue avec les éléments de décors (routes, reflets...) pour exprimer la dualité. Les jumeaux se dédoublent, se renvoient leur image. Leurs silhouettes se confondent parfois. Dominick et Thomas, deux facettes d'une même personnalité. L'un bascule, l'autre tient bon - mais à quel prix. I Know This Much Is True est une plongée âpre sur la psyché en même temps que sur l'histoire américaine, avec ses blessures du passé qui gangrènent le présent. La minisérie met l'accent sur le poids de la culpabilité et la difficulté du pardon, tout autant que sur l'amour et des sacrifices qu'il impose parfois.
Dommage que le DVD ne propose aucun bonus. Pas tant pour savoir comment Ruffalo et Ettinger ont pu se dédoubler sur les mêmes plans (les effets spéciaux sont invisibles donc très bien faits) mais pour entendre Mark Ruffalo évoquer sa méthode pour incarner les jumeaux ainsi que l'importance de cette minisérie à titre personnel, lui dont les racines sont italiennes. Restent six épisodes denses, durs mais dont le final sera comme un phare après une traversée dans la tempête. Comme une leçon de vie.
Anderton
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