Buzz : David Speranski a été rédacteur en chef de Clap ! puis de Retro-HD. Aujourd'hui, il occupe le poste de directeur de rédaction et de publication de MovieRama, tout en écrivant de temps à autre pour les Fiches du Cinéma et Revus et corrigés. Son palmarès inclut 25 participations au Festival de Cannes. Bref, c'est un bon client pour notre Questionnaire cannois (lire l'intégralité des interviews). Il évoque Wim Wenders, Jean-Pierre Melville et Jodie Foster mais aussi Etienne Daho et la Compagnie créole.
Qu'allez-vous faire à Cannes ?
Cette année, aller au bal masqué, ohé ohé... En fait, cette année, porter beaucoup de masques, ne serrer la main et ne faire la bise à personne, cela me changera, et accessoirement voir beaucoup de films et écrire dessus.
Combien de fois avez-vous participé au Festival de Cannes ?
Si je compte bien, en 2021, vingt-cinq fois. Cela peut paraître beaucoup pour mon jeune âge mais j’ai commencé à peine ado, en tant que cinéphile. En fait, comme Obélix dans la potion magique, je suis tombé dedans tout petit, j’ai vraiment l’ADN cannois. Au point que j’ai presque du mal à comprendre qu’on ne souhaite pas y aller. C’est vraiment le royaume du cinéma d’auteur, où tu peux voir 60 à 70% des films majeurs de l’année.
Qu’attendez-vous de cette édition 2021 ?
Qu’elle fasse mentir définitivement cette triste et funeste prédiction de Jean-Pierre Melville : "J’estime que la disparition du cinéma aura lieu vers l’an 2020 et que dans cinquante ans environ, il n’y aura plus que la télévision". Que de beaux films puissent y être révélés et apporter la bonne nouvelle du cinéma partout dans le monde. Qu’elle soit le lieu de la renaissance du cinéma, après cette année douloureuse de pandémie.
Quel est votre plus grand plaisir pendant le Festival ?
Aller dans des restaurants italiens, prendre des glaces artisanales chez le glacier du coin, longer la Croisette sous le soleil exactement... et accessoirement voir des films !
Qu’est-ce qui vous énerve le plus ?
Les rires forcés des gens qui se croient obligés de rire par mimétisme, en se croyant intelligents Au bout de la cinquantième projection, cela fait très mal aux oreilles. Dans les files d’attente, les discours de ceux qui se croient obligés de débiner un film alors qu’il n’ont absolument rien compris à sa thématique ni à son esthétique, et en plus qui racontent le film du début jusqu’à la fin, en le "divulgâchant". Bon, avec du recul, cela doit m’arriver aussi, haha.
Quel est votre plus beau souvenir ?
Lorsque j’ai fait la queue sous la pluie pour Inside Llewyn Davis des frères Coen et que nous sommes tous rentrés dans la salle, complètement trempés mais heureux de voir le film commencer.
Lorsque j’ai obtenu mon premier badge presse en 2012, c’était la récompense de beaucoup de films vus et d’un certain nombre de textes rédigés sur eux.
Lorsque j’ai vu tout jeune ado un film danois de deux heures et demie d’un cinéaste quasiment inconnu, et que cela a bouleversé beaucoup de choses, la vie, le cinéma, c’était Breaking the waves de Lars Von Trier.
Mais le plus beau souvenir, c’est à chaque projection le générique du Festival de Cannes, les marches, le soleil, et la musique du Carnaval des Animaux de Camille Saint-Saëns, emprunté par Terrence Malick dans Les Moissons du ciel.
Qu’y a-t-il dans votre valise ?
Pendant un certain temps, j’ai emmené beaucoup de bouquins. Mais avec le cinéma, c’est presque inutile. De plus, on n’arrive jamais à terminer ou à avancer correctement un roman dans une file d’attente. Essayez si vous ne me croyez pas. Et cela prend souvent l’eau, en cas de pluie impromptue. Donc depuis, j’ai surtout une collection de tee-shirts, un par jour de Festival, collection qui va de Bob Dylan, Paul McCartney, Neil Young, Leonard Cohen à Lorde et Lana Del Rey. C’est assez varié et éclectique et me permet de changer d’apparence chaque jour.
Quel est votre truc pour tenir le coup pendant la quinzaine ?
Le chocolat, en toutes circonstances. Mais à part cela, surtout la passion du cinéma chevillée au corps. C’est véritablement une épreuve sportive sur douze jours. Mais contrairement à beaucoup sur la Croisette, pas de drogues ni de boissons alcoolisées, ce serait déchoir, si on organisait un contrôle anti-dopage après l’écriture de critiques, haha. On devrait le faire en fait, peu réussiraient le test.
Pour quel(le) artiste redeviendriez-vous un fan de base si vous le/la croisiez sur la Croisette ?
Je ne verse pas trop dans la fan attitude même si j’ai une immense capacité d’admiration. J’ai déjà passé une heure avec David Lynch lors d’une masterclass. Mais cette année, puisqu’elle sera là, ce serait sans doute Jodie Foster. J’ai toujours un immense respect pour elle et son parcours. Son rôle dans Le Silence des Agneaux demeure l’un des plus courageux et extraordinaires qui aient été tenus au cinéma. Mais la croiser, cela ne risque pas d’arriver. N’empêche, cela m’est arrivé de croiser Wim Wenders et Atom Egoyan à une sandwicherie, donc sait-on jamais...
Votre fête cannoise la plus délirante, c’était où et quand ?
C’était la fête de Mommy à laquelle j’étais invité, et à laquelle je n’ai pu aller pour cause de déluge cannois. Sinon plus sérieusement, ma fête cannoise la plus délirante, c’était sans doute la réception nue de Toni Erdmann, l’un des plus beaux moments vécus en projection.
Quelle est votre Palme d’or préférée ?
J’en aime beaucoup. Je pourrais citer en vrac Quand passent les cigognes, La Dolce Vita, Le Guépard, Blow-up, Taxi Driver, Apocalypse Now, Sous le Soleil de Satan, sexe, mensonges et vidéo, Pulp Fiction, Elephant, The Tree of Life, La Vie d’Adèle, Parasite, etc. Mais s’il ne faut en retenir qu’une, Paris, Texas de Wim Wenders, du grand style, une histoire passionnément émouvante, un succès public et critique. Un film qu’on n’oublie pas.
Quel est votre programme après le Festival ?
Le grand sommeil, comme le chante Etienne Daho ou comme l’a filmé Howard Hawks. "Je ne veux plus me réveiller rien à faire / Sans moi le monde peut bien tourner à l'envers / Engourdi par le sommeil et prisonnier de mon lit / J'aimerais que cette nuit dure toute la vie".
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Travis Bickle
montage photo d'après l'affiche officielle du Festival de Cannes / Hartland Villa / David Speranski
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