lundi 19 mai 2014

Cannes 2014 - Maps to the stars : maps to Cronenberg


En salles : Pour la cinquième fois en compétition au Festival de Cannes – après Crash, Spider, History of Violence et Cosmopolis –, David Cronenberg revient en très grande forme, après la déception relative de A dangerous method et le très clivant Cosmopolis. Là, en adaptant Maps to the stars, l'ouvrage de Bruce Wagner publié en 2007, satire pop du monde de Hollywood, il risque de mettre tout le monde d'accord. Sans livrer pour autant un film consensuel. Quatre raisons d'aller voir le film :


Pour le plaisir communicatif de Cronenberg. Véritable satire à la The Player de Robert Altman, Maps to the stars est le premier film où Cronenberg semble se lâcher complètement. Et s'en donner à cœur joie pour un jeu de massacre sur Hollywood. En centrant sa narration autour de 5 personnages liés par un secret de famille, il livre son premier film choral. D'une grande fluidité narrative, les allers-retours entre les différents personnages – une actrice sur le déclin, un gourou new age, un wonder boy de 13 ans tout juste sorti de désintox, un chauffeur apprenti-acteur, une mystérieuse jeune femme schizophrène et mutilée – amènent Cronenberg sur un terrain dissonant par rapport au reste de son oeuvre : celui de la satire hollywoodienne, celui du méta-film sur le cinéma que tout grand cinéaste aborde un jour ou l'autre – Wilder, Lynch, Altman. Et le Canadien de se donner avec délectation à un jeu de name droping, qui rappelle celui de Bret Easton Ellis en littérature. Au point de voir une actrice effectuer un caméo, dans son propre-rôle, icône de Hollywood, dans ses excès industriels et psychologiques : Carrie Fisher.

Pour la maîtrise de la mise en scène. Gros plans, personnages filmés isolément dans le cadre, tel est le parti pris d'une mise en scène qui réaffirme par là le côté narcissique et auto-centré du milieu hollywoodien. Le tout baigné dans une lumière solaire crue, et dans des ambiances nocturnes étouffantes. Bref, il livre là le champignon vénéneux sur Hollywood qu'avait à moitié raté Paul Schrader avec The Canyons. Mieux : pour la 1ère fois, une pointe d'émotion apparaît dans sa mise en scène, notamment à l'égard des deux adolescents, victimes de la déliquescence du comportement de leurs milieux professionnels et familiaux. Et qui ont pour talisman de survie un poème de Paul Eluard, Liberté, maintes fois cité au cours du film. Comme une sorte d'idéal auquel tous les personnages ont renoncé pour assouvir leur soif de célébrité.

Pour le côté condensé de son œuvre. De la télévision présentée comme une new flesh new age aux enfants symboles de la monstruosité de leurs parents, en passant par sa fascination pour les tatouages ou les limousines, Maps to the stars offre une véritable clé d'entrée dans l'oeuvre de Cronenberg. Preuve en est notamment son retour au fantastique, avec la présence de fantômes, complètement intégrés dans la narration, comme l'arrière-monde de la basse-cour hollywoodienne. Ou son regard sur la monstruosité – pas la monstruosité littérale de Chromosome 3, par exemple, mais celle plus insidieuse d'un milieu replié sur lui-même, engendrant comportements abjects et monstrueux, quasi incestueux. Ou le regard amusé qu'il porte sur l'usage des armes à feu et sa manière de filmer les salles de bar, tout droit sortis de History of Violence. Enfin, que dire de la fascination qu'il éprouve pour l'eau et le feu, éléments jungiens s'il en est, évoqués dans A Dangerous Method, et qui donne un arrière-plan mythologique à ce qui pourrait n'être qu'une succession de gossips.

Pour son génie du casting.
Julianne Moore trouve un rôle marquant de plus ! Réécrit constamment pour elle, le scénario lui donne l'occasion de livrer une composition trash, sans limite ni tabou. Et elle parvient même à insuffler de l'émotion à son personnage d'actrice en attente du grand rôle qui lui permettra d'effectuer son comeback – rôle qui aurait pu tomber dans la caricature. Cougar déchaînée, rimmel dégoulinant, humiliant son personnel depuis la lunette de ses WC, elle est extraordinaire. A ses côtés, on est heureux de retrouver un John Cusack plus ambigu et buriné que jamais, à l'opposé des rôles de candides qui ont fait sa réputation – Ombres et brouillard, Minuit dans le jardin du bien et du mal, High Fidelity. Robert Pattinson confirme son virage vers des rôles plus exigeants, et qui cassent son image. Il y retrouve un rôle proche de celui de Cosmopolis, ainsi que Sarah Gadon, qui y jouait sa fiancée. Enfin, c'est à la diaphane Mia Wasikowska qu'il revient de porter les stigmates de la monstruosité du milieu dépeint par Cronenberg, ainsi que l'étonnant Evan Bird, en jeune star psychopathe déjà en réhab...

Travis Bickle


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