Artistes : C'est aujourd'hui, lundi, que Faye Dunaway se retrouve sous les sunlights du Festival Lumière de Lyon (voir la vidéo de l'émouvante soirée). Faye Dunaway... Sans vouloir être insultant, combien sont-ils à se rappeler son éclat, son magnétisme, son sourire, ses up and down, sa fragilité et sa dureté, son sex appeal ? Qu'elle fut LA star des années 70 ? Aucun des grands réalisateurs de l'époque ne lui a échappé : Penn, Kazan, Pollack, Lumet, Schatzberg, Polanski. Aucun des choix qu'elle fit ces années-là n'est à regretter. Une fin de carrière poussive et hasardeuse ne suffira pas à faire oublier qu'elle s'inscrit dans la lignée des Joan Crawford, Bette Davis, Lauren Bacall, et a ouvert la voie à des Sharon Stone ou des Kathleen Turner.
L'un de mes plus grands émois cinématographiques, c'est elle : telle une Vénus californienne, lorsqu'elle émerge de la piscine de Kirk Douglas pour venir goûter une grappe de raisin... Enfin, hommage est rendue à cette immense actrice. Flash-back en 10 films.
Bonnie & Clyde (1967) : faut-il en dire plus sur ce désormais classique, alors véritable bombe artistique ? Qui inaugure une nouvelle ère narrative à Hollywood, centrée sur la primauté du montage, une sensibilité ironique et distancée ? Hymne à l'amour fou, de deux jeunes à l'âme puérile, en butte à une société confrontée à la Grande Dépression, le film résonne fortement dans la période hippie et libertaire de la fin des années 60. Près de 50 ans après sa sortie, il continue de fasciner. Et que dire du sex-appeal de Faye Dunaway, qui alors lance la mode du béret ? Avec son quasi-premier film, elle entre direct dans la légende.
L'Affaire Thomas Crown (1968) : mondialement célèbre pour ses split-screens, son style Courrèges, la beauté d'une Faye Dunaway glamourissime, Boston, la photo d’Haskell Wexler et ses violons dus à Michel Legrand. L'actrice fera un cameo dans le remake de John McTiernan en 1999.
L'Arrangement (1969) : dans le rôle de Gwen, la maîtresse d'Eddie Anderson en pleine middle age crisis, Faye Dunaway irradie de beauté. Blondeur étincelante, lunettes cerclées noires, elle y est l'incarnation californienne d'une Vénus des sixties, magnifiée par la caméra de Kazan et la lumière de Robert Surtees.
Portrait d'une enfant déchue (1970) : "Faye Dunaway joue à nu, sans protection ni filet, avec une formidable rigueur, une inspiration, une envolée digne de certaines actrices bergmaniennes" : Tavernier et Coursodon, dans leur 50 ans de cinéma américain. On ne saurait mieux dire, non ? Chef-d'oeuvre, sorti dans un anonymat complet, avant d'être réhabilité peu à peu, grâce à la critique française. Nous en avions déjà parlé sur Cineblogywood il y a 3 ans.
Chinatown (1974) : Faye Dunaway y sublime les vamps des films noirs des années 40. Et pourtant, le tournage ne fut pas de tout repos. En cause, la méthode Polanski. Comme le remarque Robert Evans, le producteur : "Roman, avec les acteurs, c'est Napoléon !". Si Jack Nicholson s'accommode très bien des méthodes du réalisateur, il n'en est rien de Faye Dunaway. Qui se montre incapable de supporter la moindre directive venant du réalisateur. Un cheveu blond rebelle de l'actrice accroche-t-il toute la lumière d'une scène ? Polanski l'arrache subrepticement. D'où les hires de l'actrice, et l'arrêt momentané du tournage. Autre exemple : alors que Polanski règle les détails d'une scène où celle qui fut Bonnie Parker se trouve en voiture avec Jack Nicholson, il lui refuse d'assouvir un besoin pressant. Alors qu'il s'approche d'elle pour lui donner des indications scéniques, elle lui jette à la figure un gobelet d'urine à la tête. Selon le directeur de la photo du film, "on ne sut jamais si c'était Nicholson ou Dunaway qui urina dans le gobelet !". Ambiance glaciale pour un chef -'oeuvre miraculeux.
Les Trois jours du Condor (1975) : bonnet et écharpe en mohair, Faye Dunaway se trouve involontairement embarquée dans la fuite en avant de Robert Redford. Dans un rôle peut-être mineur, elle y est cependant l'incarnation d'une parenthèse enchantée dans la trajectoire de son héros, même si elle se passe dans une ambiance feutrée et inquiétante, à la Kafka. Duo glamour au possible, intrigue paranoïaque typique des années 70, scénario de David Rayfiel... L'un de ses plus gros succès commerciaux.
Network – Main basse sur la ville (1976) : rôle ingrat – celui d'une programmatrice arriviste, véritable mante religieuse – et parfois caricatural, pour lequel elle décroche le seul Oscar de sa carrière. Mais sa seule présence dans ce véritable pamphlet visionnaire contre la financiarisation de l'économie et des médias témoigne de l'acuité de ses choix. L'un des meilleurs Sidney Lumet.
Les Yeux de Laura Mars (1979) : sur un scénario signé John Carpenter, ce suspense situé dans la monde de la mode new-yorkais est devenu culte : Let's all chant, shooting photos inspirés d'Helmut Newton, mannequins sortis du Studio 54, costumes signés Theoni Aldredge... L'un des meilleurs films d'Irvin Kershner. Dans le rôle titre, Faye Dunaway, alors au faîte de sa gloire, dans un rôle initialement prévu pour Barbra Streisand, apporte tout son glamour, son ambition. Et sa fragilité. En beau ténébreux, dans un de ses premiers rôles, Tommy Lee Jones.
Barfly (1987) : le film-phare de sa carrière, période post-seventies. Dans le rôle de Wanda, alcoolique, paumée et fragile, elle compose un couple hors normes avec Mickey Rourke, dans cette déclaration d'amour aux desperados des comptoirs, signée Barbet Schroeder, sur un scénario de Bukowski. Sans fard, totalement à l'abandon, Faye Dunaway y est bouleversante et intense. Près de 25 ans après, cela reste son plus beau rôle post-70's.
The Yards (1999) : dans sa volonté de réactiver les grandes sagas criminelles des années 70, James Gray ne pouvait faire qu'appel à Faye Dunaway pour sa transposition des Atrides dans le Bronx et le Queens contemporain. Rôle terrifiant que celui de l'actrice, à la fois manipulatrice et gardienne du temple, prête à sacrifier sa chair au profit des intérêts de son clan.
Entre un caractère souvent difficile, et parfois fragile, et une série d'échecs commerciaux et artistiques – Maman très chère (1980), Le Champion (1979) – elle trouve une seconde carrière en tant que guest dans quelques films (Arizona Dream, Albino Alligator, Les Lois de l'attraction), de nombreuses séries TV – notamment un Colombo d'anthologie - et sur scène, notamment dans Les Leçons de Maria Callas. Dont elle a tiré une adaptation cinématographique, toujours invisible à ce jour. Espérons qu'à l'instar d'un Al Pacino ou d'un James Caan elle saura retrouver les faveurs des cinéastes contemporains – outre James Gray, pensons à un Jeff Nichols, Sofia Coppola ou Quentin Tarantino, pour lui donner un rôle à la mesure de son talent : immense.
Le site du Festival Lumière
Travis Bickle
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