A lire : Voici le livre que tous les fans de séries attendaient. Des hommes tourmentés, publié aux Editions de La Martinière, revient sur la conception et la production des grandes séries TV de ces quinze dernières années. A savoir : Les Soprano, Sur Ecoute (The Wire), Deadwood, Six Feet Under, The Shield, Mad Men, Breaking Bad.
Journaliste à GQ, Brett Martin décrit tout bonnement un nouvel âge d'or de la télévision. Celui qui a vu une poignée de scénaristes talentueux réussir à imposer des séries plus sombres, plus violentes, plus profondes aussi, des séries mettant en vedette des anti-héros en proie à des démons intérieurs et à des tiraillements moraux et familiaux, des séries qui ont éclairé sous un nouveau jour la société américaine. Ce phénomène aurait été impossible sans l'avènement aux Etats-Unis des chaînes du câble, et plus particulièrement de HBO.
L'auteur retrace l'incroyable aventure de cette chaîne alors spécialisée dans les rediffusions de films et les combats de boxe qui fait un jour le pari de mettre à son antenne des séries différentes de celles qui passent sur les grands networks US. Des séries originales, ambitieuses dont le succès ne se mesure pas nécessairement par des gros pics d'audience et dont la survie est rendue possible grâce à l'économie du câble et l'essor de la vidéo (VHS puis DVD), contrairement aux programmes d'ABC, CBS et NBC dont le sort est lié à la publicité qu'ils génèrent.
Showrunners à la barre
C'est Chris Albrecht, alors boss de HBO, qui offre aux scénaristes une liberté artistique quasi-absolue. Sur les traces de Tom Fontana (Oz), la chaîne attire David Chase (Les Soprano), David Simon (The Wire, Treme), David Milch (Deadwood), Alan Ball (Six Feet Under, True Blood). Le "modèle HBO" fait des émules ailleurs sur le câble : Shawn Ryan développe The Shield sur FX, tandis qu'AMC mise sur Matt Weiner (Mad Men) et Vince Gilligan (Breaking Bad), tous deux "rejetés" par HBO !
L'auteur détaille le parcours (souvent ancien) et les frustrations de ces scénaristes-producteurs - les showrunners - jusqu'à l'élaboration de leur "grand oeuvre". Il nous fait pénétrer dans les writers' rooms, ces pièces remplies de post-it, bloc-notes, crayons et nourriture en tous genres où des équipes de scénaristes travaillent sous le contrôle souvent strict - pour ne pas dire dictatorial - des showrunners. Les hommes tourmentés, à l'ego surdimensionné, ce sont autant Tony Soprano ou Don Draper que leurs créateurs, voire leurs interprètes ! David Chase est tellement implacable qu'un ex-mafieux ayant bossé sur Les Soprano raconte qu'en sa présence, il reculait d'un pas !
Formidable ouvrage que celui de Brett Martin : très documenté (à l'américaine), bourré d'anecdotes et de propos des protagonistes, il mérite sa place dans votre étagère à côté de Box-Office (la bio sur Don Simpson) et du Royaume Enchanté (sur le Disney des années Eisner). Et prévoyez du temps libre pour vous (re)mater toutes les séries en question car le livre donne sacrément envie.
Anderton
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