Artistes : Quatrième et avant-dernière partie de notre hommage à François Truffaut, qui sera célébré par la Cinémathèque à l'occasion du 30e anniversaire de sa disparition. L'occasion de laisser le cinéaste revenir sur son œuvre, vidéos à l'appui.
La Nuit américaine (1973)
1973 : "J'ai réalisé La Nuit américaine comme un documentaire, et il y a très peu de décalage entre le tournage que je montre et celui de mes films. Je me suis imposé des limites bien précises, j'ai respecté l'unité de lieu, de temps et d'action. (…) Je n'ai pas cherché à détruire la mythologie du cinéma, au contraire. Le cinéma français étant trop peu mythologique, j'ai voulu que ce film porte l'empreinte de Hollywood. (…) J'ai voulu lutter contre un courant du cinéma français qui, depuis 1960, a tendance à se concentrer sur un seul personnage. Dans La Nuit américaine, j'ai essayé d'avoir dix personnages d'importance égale. L'aspect collectif, unanimiste, du film exprime la nostalgie du cinéma de Prévert. (…) Pour moi, La Nuit américaine est un peu le film de la récapitulation (…) un carrefour où se rencontrent les principaux personnages de mes autres films. C'est pour ça que le ton en est celui des films que j'ai tournés à partir de scénarios originaux."
1974 : "La Nuit américaine m'a donné le courage de faire des scénarios originaux. Je ne veux plus adapter de romans américains. Je trouve qu'on se fait mieux comprendre dans des scénarios originaux. On part d'une idée, et on fait finalement un travail plus logique."
L'Histoire d'Adèle H (1975)
1975 : "Je ne sais pas pourquoi je fais un film comme ça. Aussi triste. Mais l'idée fixe a quelque chose de vertigineux, et je crois que j'ai été entraîné dans ce vertige. Dès le début, je montre que c'est foutu : jamais le lieutenant n'aimera Adèle. Et tout le film est la description de son insistance. On a l'impression de revoir tout le temps la même scène. Au lieu que l'émotion naisse de la surprise, je voudrais qu'elle se dégage de la répétition. Comme il y a le rire par répétition, ce sera, je l'espère, l'émotion par répétition."
1980 : "Une de mes fins préférées, c'est celle d'Adèle H, parce que j'ai cette musique Suite française de Maurice Jaubert qui s'élève avec le commentaire. J'avais commis une erreur avec L'Enfant sauvage en laissant la fin trop abrupte. Il y avait une frustration dans le public. (…) Donc, dans Adèle H, j'ai fait attention de couvrir cet aspect-là, mais sans que ce soit trop informatif, grâce à cette musique très lyrique."
L'Argent de poche (1976)
1976 : "C'était cela, L'Argent de poche : m'installer avec l'équipe, dans une ville de province, pendant deux mois pleins, jouer sur l'unité de lieu et de temps, avec une école entière à ma disposition et toute la ville en arrière-plan. Je n'aurais sûrement pas pu faire L'Argent de poche s'il n'y avait eu auparavant La Nuit américaine, dans la mesure où ce film m'a appris à entremêler une douzaine de personnages, les entrecroiser, faire en sorte qu'on s'intéresse à chacun d'entre eux. Il me semble que L'Argent de poche est une sorte de combinaison de La Nuit américaine et de Baisers volés."
1980 : "L'Argent de poche est un film qui a eu beaucoup de succès, mais que les intellectuels, en général, n'aiment pas. (…) Je ne suis pas très soucieux d'éclaircir ce malentendu, mais si je l'éclaircissais, je dirais que c'est parce que j'ai avancé très vite en âge, et pour moi, L'Argent de poche, c'est déjà un film de grand-père."
L'Homme qui aimait les femmes (1977)
1977 : "L'Homme qui aimait les femmes repose entièrement sur Charles Denner parce qu'il est mon choix. J'ai vu ce film comme une extension du personnage joué par lui dans La Mariée était en noir. (…). J'avais beaucoup aimé comment Denner avait joué ce personnage. (…) Le principe de L'Homme qui aimait les femmes est le contraire du type qui voit une fille dans la rue et l'invite à venir boire un verre. Lui, il se donne un mal de fou pour les atteindre, mais il ne les aborde jamais directement. (…) Denner va bien dans ce personnage, parce qu'il a une gravité naturelle, il sourit rarement, il a quelque chose de farouche, de sauvage. (…) Ce film ne peut être reçu qu'en termes de sympathie ou d'antipathie, de rejet du personnage ou de compassion."
1980 : "L'Homme qui aimait les femmes s'appelait pendant longtemps Le Cavaleur, et, dans mon esprit, secrètement, je le rangeais dans la catégorie des films de criminels, d'hommes qui tuent des femmes. Je me disais : 'Ce sera la même chose, sauf qu'il ne les tuera pas'. Ma référence était une série de films qui commence avec L'Ombre d'un doute, continue avec Monsieur Verdoux, Infidèlement vôtre, Archibald de la Cruz."
Découvrez Truffaut par Truffaut 1/5 : des 400 Coups à La Peau douce
Découvrez Truffaut par Truffaut 2/5 : de Fahrenheit 451 à La Sirène du Mississippi
Découvrez Truffaut par Truffaut 3/5 : de L'Enfant sauvage à Une Belle fille comme moi
Tous les propos du cinéaste sont tirés de l'ouvrage Le Cinéma selon François Truffaut, textes réunis par Anne Gillain, aux éditions Flammarion.
Travis Bickle
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire