Artistes : Le 70e Festival de Cannes sera lancé ce mercredi soir à 19h15, avec Monica Bellucci pour maîtresse de cérémonie. Habituée des magazines, l'actrice se livre dans Rencontres clandestines, un étonnant livre d'entretien.
Il ne s'agit pas d'une interview classique mais d'un objet littéraire imaginé par un jeune écrivain, Guillaume Sbalchiero. Il relate son envie de "connaître cette figure incandescente mais insaisissable" qu'est l'interprète de Malena. Un projet un peu fou qu'il expose à l'actrice dans une lettre où il avoue son admiration d'adolescent devenue "exploration minutieuse, attentive de [son] parcours" jusqu'à l'élaboration de "quelques pistes, beaucoup de questions, aucune sentence, aucun jugement, des intuitions encore brouillonnes". Avec l'envie de comprendre le "funambulisme de chaque instant" auquel se livre Monica et de le consigner "dans un lieu abrité : un livre".
Le fond comme la forme interpellent l'actrice. S'ensuit un premier rendez-vous puis quelques semaines d'attente avant que la Bellucci accepte de se prêter au jeu. Rencontres clandestines relate les huit rencontres entre la star et l'écrivain. Lequel livre également ses réflexions sur les propos tenus par cette femme qui peu à peu se dévoile.
Profondeur et sophistication
Disons-le tout net : les premières pages du livre déconcertent le lecteur. Sbalchiero n'est pas un journaliste et il n'écrit pas en tant que tel. Il s'exprime comme un écrivain, avec un style bien à lui et qui déteint sur le dialogue retranscrit. On a même l'impression que les propos ont été retravaillés a posteriori. Les phrases de l'intervieweur et de l'interviewée frappent par leur sophistication - quand elles ne sont pas parfois un peu ampoulées. Ce qu'elles gagnent en profondeur, elles le perdent parfois en spontanéité. Tout au moins au début de l'ouvrage. Comme si chacun, encore sur sa réserve, tenait à peser ses mots. J'ai été d'autant plus décontenancé que j'ai eu l'occasion d'interviewer Monica Bellucci au début de ce siècle (écrit comme ça, ça fait bizarre, je sais). Et à l'époque, si j'ai constaté que l'actrice s'exprimait très bien (avec son délicieux accent), que sa parole était posée, pleine de sens, je n'avais pas souvenir d'un langage aussi élaboré. D'où mon trouble à la lecture des premières pages. Mais j'ai décidé de poursuivre et bien m'en a pris.
Car Monica répond avec honnêteté et intelligence aux questions de Guillaume. Elle évoque son métier, qu'elle qualifie de "thérapeutique" : "J'exerce un métier dépendant de la lumière (...) mais ma vérité est dans l'ombre". La Bellucci raconte que depuis l'adolescence, son corps lui a permis de "dissimuler [sa] fragilité et [sa] profonde timidité". Des failles qu'elle a appris à cacher, ou à surpasser. "Il existe une connexion étrange, inexplicable entre les états d'âmes et les projets professionnels", pointe-t-elle encore. Ces états d'âme, Monica les effleure. Comme l'écrit joliment Sbalchiero : "Monica se dévoile, elle ne se répand pas". Elle évoque sa jeunesse, ses parents, son divorce, des trahisons... Sans citer de noms, ni entrer dans les détails. "Je me suis lancée à corps perdu dans l'existence et j'ai parfois rencontré des murs magnifiques", avoue-t-elle. Belle formule.
Famille, amour, foi, carrière, féminisme... la discussion est sérieuse, parfois grave. "La réussite n'est pas toujours un cadeau, affirme l'actrice. Les étoiles exigent aussi une rançon." Encore une fois, elle ne détaille rien, laissant planer un mystère. Pour autant, Monica sait aussi faire preuve de légèreté. A la question de savoir si elle a peur d'être moins désirée, elle lâche avec humour : "Il y a de bons gérontophiles !" Le cinéphile aurait aimé que Monica Bellucci s'exprime davantage sur ses choix artistiques parfois osés et revienne plus en détail sur certaines de ses expériences cinématographiques. Mais, tout en rendant hommage à une actrice sous-estimée, Guillaume Sbalchiero a surtout cherché à percer le secret d'une femme finalement mal connue. C'est tout le mérite de cet ouvrage tout aussi atypique que son sujet.
Monica Bellucci & Guillaume Sbalchiero : Rencontres clandestines (éditions L'Archipel).
Anderton
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire