En salles : Ancien boxeur au chômage, Jorge - formidable Nuno Lopes, prix du meilleur acteur à la Mostra de Venise - est un homme humilié par la crise économique qui frappe le Portugal. Marco Martins, dont Saint Georges est le deuxième long métrage, narre à travers ce personnage de fiction la chronique réaliste d’un pays ravagé où chacun tente de survivre à n’importe quel prix.
Une société à l’agonie
De 2011 à 2014, le gouvernement portugais mena une politique d’austérité sans précédent visant à désendetter le pays. Elle entraîna faillites d’entreprises, non-paiement des salaires, réduction des retraites et une profonde misère, obligeant de jeunes adultes à retourner vivre chez leurs parents. Elle fit aussi prospérer des sociétés de recouvrement qui rachetaient leurs dettes aux ménages surendettés en échange de nouveaux prêts aux taux exorbitants qu’ils ne pouvaient rembourser.
Une nuit. Un parking de supermarché désert éclairé par la lumière diffuse et rasante des lampadaires. Un couple vide son caddie dans le coffre de sa voiture. Jorge et son fils Nelson (David Semedo), âgé de 10 ans, observent la scène de loin. Ils viennent de s’acheter du poulet grillé, pas de frites. Le couple les regarde, ferme son coffre, abandonne le caddie et quitte le parking. Jorge et Nelson rangent alors le caddie récupérant ainsi une pièce de 1 euro. Ils dînent ensuite dans la voiture de Jorge avant de rentrer dormir chez ses parents. Pas un mot n’est prononcé et pourtant tout est dit.
Jorge, c’est nous
Nous suivons ainsi au pas de charge Jorge dans ses errances nocturnes lisboètes, en quête d’argent pour honorer ses dettes et de l’amour de Susana (Mariana Nunes), la mère immigrée brésilienne de Nelson, qui l’a quitté. Nous vivons l’impasse dans laquelle il se débat, derrière les cordes d’un ring de boxe ou les filets d’un terrain de foot, et finalement sa soif d’être libre. Jorge est un homme qui parle avec son corps, qui prend des coups et en donne sous le regard de Saint-Georges, son saint patron. "Les hommes ne mangent pas les hommes", dit-il à son fils effrayé par les combats de boxe auxquels il participe. Y croit-il seulement ? Oui et jusqu’au pire.
"Je voulais vraiment parler de la réalité d’un pays en changement, l’aborder d’une manière intéressante et originale", explique Marco Martins. Miguel Gomes l’avait déjà fait dans son triptyque Les Mille et une nuits, sorti en 2015. Sauf qu’ici, il n’y a pas de place pour la farce. Ainsi, en mêlant la fiction avec l’histoire de Jorge mercenaire de sociétés financières sans scrupule, et le documentaire avec des scènes de discussions syndicales interprétées par des acteurs non professionnels, fait-il de son film le témoignage incarné de ces événements dramatiques. A voir !
Annie Hall
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