En salles : Blade Runner 2049 divise la rédaction de Cineblogywood. Travis Bickle y voit "une œuvre d’une incroyable richesse narrative et formelle qui avance à contre-courant de la production lambda" (lire Blade Runner 2049 : poétique des ruines). Au contraire de L'Oncle Owen, sorti fâché de la projection. Il réplique.
Dans Blade Runner 2049, un personnage nous explique que si nos souvenirs sont si importants, ce n’est pas tant pour ce qu’ils racontent, mais plutôt pour ce qu’ils nous ont fait ressentir.
En d’autres termes, si le souvenir des madeleines de votre grand-mère vous est si cher, ce n’est pas tant pour leur goût, mais plutôt pour l’insouciance qui vous emportait quand vous les dégustiez.
On explique parfois aux fans de cinéma que leurs films cultes, ceux qui les ont marqués, bercés, époustouflés, changés, ne vaudraient en fait pas tellement mieux que ces putains de madeleines vendues par 40 chez Lidl. Mais que la vraie raison pour laquelle ces films sont devenus presque intouchables, c’est cette nostalgie que nous ressentons pour une époque révolue.
Je considère le Blade Runner original comme l’un… peut-être le, plus grand film de l’histoire du cinéma. Pourtant, son pitch tient littéralement en une phrase, son scénario est pratiquement mutique et Ford y délivre l’une de ses prestations la plus désabusée de cette époque. Pourtant Blade Runner est bien un chef-d’œuvre. Visuellement et musicalement, tout a déjà été dit sur l’importance incontestable de l’œuvre de Scott. Mais c’est narrativement que le film n’a jamais cessé d’impressionner. Il y a tant de niveaux de lecture, tant de questions à se poser, tant de subtilités à découvrir. Ce film, qui peut paraître tellement simpliste et austère au premier visionnage, révèle peu à peu tous ses mystères, toutes ses subtilités, toutes ses ambiguïtés et vient se greffer à votre cerveau pour ne plus jamais en sortir.
Sur ce point précis, 2049 se situe presque à l’opposé du spectre. Son scénario n’est pas simpliste, il est dense, complexe, tortueux même… 2049 c’est 2h40 de rebondissements, de tentatives un peu vaines de rattacher des wagons entre eux; 2h40 de méchants très méchants, de gentils très gentils, d’une bonne dose de fan service introduit au forceps. 2h40 d’une musique qui tente vainement d’imiter l’original et qui n’est jamais meilleure que quand elle reprend note pour note des morceaux de l’original.
Il y a pourtant beaucoup de bonnes choses dans cette suite. Visuellement le film est assez époustouflant. Villeneuve a su repousser les limites de son prédécesseur. Tout en restant dans l’univers très organique qu’avait su créer Scott et ses équipes, il se permet d’élargir le spectre avec des décors plus vastes et des plans de jours dignes de son illustre ancêtre.
Ryan Gosling est également absolument parfait dans le rôle de l’agent K. . Il est fait pour ce rôle, il est fait pour cet univers, et s’il partage l’affiche du film avec d’autres personnages, c’est bien lui qui le tient à bout de bras.
Mais ce qui tue le film, c’est cette incapacité totale à faire persister un mystère. Tout doit être expliqué, montré, décortiqué. Pas de place pour l’ambiguïté, pas de place pour la subtilité. Dans l’original, les « méchants » ne voulaient que survivre et les « gentils » n’avaient aucun scrupule à abattre une femme désarmée en lui tirant dans le dos. Dans 2049, les méchants sont bien méchants, ils tuent les autres, ils se tuent entre eux, on ne sait jamais trop pourquoi…
Cette incapacité à faire confiance à ses spectateurs, à croire qu’ils sont suffisamment intelligents pour ne pas avoir besoin de tout voir, tout savoir, tout connaitre. Cette incapacité à comprendre que l’imaginaire nait des non-dits, du off, de l’absence. Tout ce mystère qui fait du Blade Runner original la plus merveilleuse des madeleines qui reste et restera à tous jamais dans nos mémoires.
Le paradoxe c’est que 2049 offre probablement une expérience plus immédiatement satisfaisante que son illustre ancêtre, expliquant sûrement l’emballement critique outre-Atlantique. C’est un film moderne avec son lot de scènes d’actions et de retournements mais dont il ne restera rien. Une madeleine bien sucrée et parfaitement formée, mais finalement sans intérêt.
L'Oncle Owen
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