mardi 22 octobre 2013

T.S. Spivet : 4 raisons d'aller voir le dernier Jeunet


En salles : Jean-Pierre Jeunet serait-il incompris en son pays ? L'Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet n'a pas trouvé son public lors de sa première semaine d'exploitation. Les qualificatifs n'ont pas tardé à éclore : "four", "bide", échec"... tandis que le cinéaste est devenu "ringard", "has been". Je trouve cela triste et injuste. Parce qu'un démarrage raté ne signifie pas forcément que la carrière d'un film est morte-née (même si aujourd'hui, ces fameux premiers jours s'avèrent souvent décisifs), ni encore moins que le film est mauvais. 

Quant à Jeunet, au-delà de sa personnalité entière et pas toujours accomodante, je n'oublie pas qu'il a su nous émouvoir, nous surprendre, nous faire rêver. Le cinéma qu'il propose, y compris avec ses défauts, reste à mes yeux mille fois plus attrayant que le théâtre filmé de bon nombre de réalisateurs hexagonaux. Et T.S. Spivet dans tout ça ? Un (rail)road movie touchant, certes parfois maladroit, mais qui mérite d'être vu sur grand écran pour au moins quatre raisons :



Un film de cinéma

Non, ce n'est pas un pléonasme. A une époque où les séries affichent des moyens et une ambition dignes du 7e art et où certains longs-métrages pourraient tout autant passer directement à la télévision, Jean-Pierre Jeunet rappelle ce qu'est un film de cinéma : un film qui voit grand, au sens propre. Grands espaces, grande aventure, grands sentiments. Et T.S. Spivet est aussi un film ambitieux jusque dans sa mise en scène. Les grincheux reprochent à Jeunet de ne pas refaire Delicatessen ou Amélie Poulain mais à quoi bon se pasticher soi-même ! L'inventivité du cinéaste part moins dans tous les sens, elle est plus cadrée, parfois un peu trop, mais c'est complètement raccord avec le sujet. Ces paysages somptueux propres à toutes les rêveries, à tous les jeux d'enfants, Jeunet prend le temps de les filmer afin que nous prenions le temps de les admirer et aussi que nous nous imprégnions de l'univers de la famille Spivet - un no man's land, où elle vit comme hors du temps. Et cette famille devient la nôtre.

Un hommage à Hollywood et l'Amérique

Le sujet du film, c'est le voyage. Celui d'un gamin surdoué et renfermé mais aussi celui d'un cinéaste dans ses souvenirs cinématographiques. Jeunet filme une Amérique rêvée : celle de l'Ouest sauvage et des prairies infinies, celle des westerns hollywoodiens. Pas besoin pour Jeunet de copier-coller des plans de films célèbres : les images défilent. Chaque spectateur y projette ses références. Et puis il y a le train. Il n'y a pas plus cinématographique que le train - les frères Lumières l'avaient bien compris. Pas d'explosion, ni de cascades spectaculaires sur fond de musique tonitruante : sur des airs de ballades folk, l'odyssée de T.S. progresse de manière douce-amère, au fil de rencontres surprenantes et de moments magiques.

Un rôle en or pour Helena Bonham Carter

On a suffisamment reproché à Helena Bonham Carter d'être abonnée aux rôles timburtonesques de foldingue gothique pour ne pas apprécier sa performance dans T.S. Spivet. Avec beaucoup de retenue et d'humour, elle incarne une maman tête en l'air mais pleine de caractère, effacée mais aimante. Elle est juste parfaite. T.S. est quant à lui interprété par le jeune Kyle Catlett : au départ, je craignais un manque de "consistance" et puis, au fil de l'aventure, le gamin prend corps et prend coeur. Jusqu'à nous faire fondre à la fin du film. Et puis, il y a évidemment Dominique Pinon. Formidable, évidemment.

Une 3D époustouflante

Si Jeunet prend le temps de poser ses plans, c'est aussi pour proposer une mise en scène entièrement mise au service de la 3D. Le cinéaste refuse les effets d'esbrouffe, préférant jouer sur la profondeur des images. Le résultat est magnifique.

Alors, oubliez les chiffres du box-office, laissez tomber les comparaisons avec les Jeunet d'avant... Grimpez à bord de la locomotive Spivet, de préférence avec vos enfants, et laissez-vous emporter par un rythme différent. C'est parfois un poil trop contemplatif et Jeunet est presque trop dans la retenue, comme s'il voulait éviter d'en faire trop autour d'une histoire en partie douloureuse. Mais dites-vous que le film est à l'image de la famille Spivet : il est loin d'être parfait mais qu'il est attachant.

Anderton


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