A lire : Il y a presque 70 ans, en septembre 1946, se tenait la première édition du Festival de Cannes. Enfin pas tout à fait : le festival aurait dû être lancé en 1939. Retour sur cette édition annulée dans l'ouvrage Cannes 1939 - Le Festival qui n'a pas eu lieu.
C'est évidemment le début de la deuxième guerre mondiale qui a empêché la tenue du festival. Historien de formation, Olivier Loubes revient sur ce rendez-vous manqué dans un livre très documenté, qui fourmille d'anecdotes. La naissance du Festival de Cannes a lieu à Venise un an plus tôt. La Mostra est devenue une plateforme de propagande fasciste et nazie. Joseph Goebbels, le "ministre du reich à l'éducation du peuple et à la propagande", fait pression sur les autorités italiennes pour récompenser les oeuvres adoubées par le régime hitlérien, notamment Les Dieux du stade de Leni Riefenstahl. Les Américains, dont les exportations de films dans la péninsule sont par ailleurs freinées, décident alors de boycotter ce grand rendez-vous du cinéma mondial, avec l'appui des Anglais et des Français, d'abord mitigés du fait des bonnes relations (cinématographiques, culturelles, diplomatiques) avec l'Italie. D'autant que les films français ont souvent été distingués à Venise.
Reste que l'idée d'une contre-Mostra en France fait son chemin, soutenue par Jean Zay, au ministère de l'Education nationale et des Beaux-Arts. L'objectif affiché est de créer un "festival des nations libres". Si Alger, Deauville et surtout Biarritz sont un temps sur les rangs pour accueillir l'événement, Olivier Loubes montre bien à quel point le lobbying des hôteliers cannois est déterminant. La date est fixée à septembre 1939 : l'arrière-saison, parfait pour booster le tourisme !
Mobilisation générale
La sélection officielle est déterminée par les gouvernements ou l'organe représentant les studios hollywoodiens. Il faudra attendre 1972 pour que le Festival soit maître de ses choix ! Dans ce contexte international tendu, la politique est au premier plan. Olivier Loubes distingue trois grandes tendances dans la sélection : quelques films anti-fascistes, comme La Grande Solution (un film de Tchécoslovaquie... un pays qui n'existe plus en 1939 du fait de l'expansionnisme nazi) ; beaucoup de films qui vantent les empires européens ou américain (L'Homme du Niger, les Quatre plumes blanches, Pacific Express...) ; et les films d'évasion, tel Le Magicien d'Oz.
L'affiche du festival est prête, la présidence d'honneur est confiée à Louis Lumière, les stars sont attendues sur la Croisette : Michèle Morgan, David Niven, James Cagney, Louis Jouvet, Cary Grant... Mais le gouvernement français sonne la mobilisation, l'Allemagne envahit la Pologne. Le Festival est annulé.
Il faudra attendre le Festival de Cannes 2002 et la création d'un jury alternatif, dont le président est Jean d'Ormesson, pour que les films de Cannes 1939 soient visionnés et les prix attribués. Réalisé par Cecil B. DeMille, Pacific Express (Union Pacific), dont le générique plaira aux fans de Star Wars, reçoit la Palme d'Or. Le jury rend également hommage à deux jeunes espoirs féminins "à qui il ose promettre une grande carrière" : Judy Garland et Michèle Morgan. Le Festival de Cannes 1939 est désormais réalité.
Cannes 1939 - Le Festival qui n'a pas eu lieu d'Olivier Loubes (édition Armand Colin).
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Anderton
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