jeudi 29 septembre 2016

2006-2016 : 10 ans de cinéma et séries selon François Busnel - #Cineblogywood10ans

Buzz : Le 10e anniversaire de Cineblogywood nous donne l'occasion d'interroger des professionnels du 7e art et de la télévision sur la décennie écoulée. Présentateur de La Grande LibrairieFrançois Busnel aime autant les livres que les films. Et il sait en parler avec la même passion. La preuve. 



Cineblogywood : Quels sont les films marquants de ces dix dernières années ? Et les pires ?
François Busnel : Tout le monde doit vous le dire, mais faire un choix parmi les films qui m’ont le plus marqué c’est un vrai casse-tête ! Mais puisqu’il le faut, allons-y...

Into The Wild, de Sean Penn (2007), est sûrement le film qui a eu le plus fort impact sur moi depuis The Hours de Stephen Daldry en 2002. Au point que c’est après avoir vu et revu ce film que j’ai écrit (en 2011) ma série documentaire « Les Carnets de Route » aux Etats-Unis et peaufiné le projet de filmer l’Amérique d’aujourd’hui avec une grue, des traveling, des panos et du grand-angle, à travers tous les paysages du continent, des bayous de Louisiane aux plaines du Wyoming en passant par NYC et LA,  les Rocheuses et les lacs de Yosemite, les cimes du Montana et les déserts d’Arizona. Le sujet du film (adaptation du récit de Jon Kracauer) est génial mais moins que la façon dont Sean Penn tourne : du très grand art.

La Grande Bellezza, de Paolo Sorrentino (2013). Alors, là, on touche au sublime ! L’art de la légèreté mis au service de l’existentialisme made in Italy. C’est grave et léger à la fois. D’une immense pureté. Ce film réussit à nous faire passer par tous les états, du rire aux larmes. Rome est prodigieusement filmée. La virée nocturne de Toni Servillo (dans le rôle du journaliste dandy séducteur impénitent) est un moment d’anthologie.

La Nuit nous appartient, de James Gray (2007). Je suis un inconditionnel de James Gray. Il filme New York comme personne (enfin, si : comme Scorsese le faisait dans les années 70 et 80). Ici, James Gray rend hommage au New York de la fin des années 80, avant que ne débute la pasteurisation de Gotham (clin d’œil au maître pré-cité ?). Au passage, il réinvente le film de "mafia familiale" avec un casting de premier choix : Joaquin Phoenix, Mark Wahlberg, Robert Duvall, Eva Mendes...

Whiplash, de Damien Chazelle (2014), tellement plus fort que Black Swann... Tout est génial, dans ce film, à commencer par l’interprétation de J. K. Simmons, sous-utilisé jusque là (c’est le patron tyrannique de Peter Parker dans les Spiderman de Sam Raimi).

Boyhood, de Richard Linklater (2014). Il faut avouer que le projet est unique et le résultat est à la hauteur. Du très grand 7ème art. 

Django Unchained, de Quentin Tarantino (2012). On savait déjà que Tarantino ne respectait rien, foutait le bordel dans les codes du cinéma formaté, mais alors là il se surpasse ! Son meilleur film, bien sûr, et une charge terrible contre le politiquement correct.

The Ghost Writer de Roman Polanski (2010). Ewan McGregor est parfait, Polanski réalise son film le plus somptueux et la fin est quand même géniale à tous égards, non ?

Gainsbourg (vie héroïque) de Joann Sfar (2010). Les dix dernières années auront été celles des biopics. Le pire côtoie le meilleur. Sfar personnalise son Gainsbourg et signe le biopic tel qu’on l’attend : pas une biographie académique mais une vision très personnelle d’une vie. Et Elmosnino, quel talent !

L’Exercice de l’Etat, de Pierre Schoeller (2011). Un grand film sur la politique, semblable (avec 40 ans de retard) à ceux que les américains osaient réaliser et produire dans les 70’s (je pense à Lumet, Pollack, etc).

Polisse, de Maïwenn (2011) restera comme un baromètre de la société française en 2010 (comme le fut L627 de Tavernier dans les années 90).

Prisoners, de Denis Villeneuve (2013), avec Jake Gyllenhaal et Hugh Jackman. Le thriller parfait. Le suspense le plus implacable que l’on puisse imaginer, et une Amérique des banlieues filmée sous la pluie de façon magnifique. La scène finale est dingue.

Shutter Island, de Martin Scorsese (2010). Di Caprio prouve qu’il est un grand acteur et Scorsese l’immense cinéaste de notre temps. Les romans de Dennis Lehane ont été beaucoup adaptés (Mystic River, Gone Baby Gone, Quand vient la nuit…) mais celui-ci est un chef d’œuvre transposé au cinéma de façon magistrale : c’est assez rare pour être (aussi) signalé.

Allez, j’ajouterai les Star Wars, pour le côté nostalgique, mais ça ne remplacera jamais la trilogie originale (avec ses effets spéciaux à deux balles, ses longueurs et ses répliques cultes). Du coup, du côté des blockbusters fantastiques, mention spéciale à Inception de Christopher Nolan et à The Dark Knight Rises.

Côté comédies, depuis 10 ans on n’a pas été gâté : on est loin de The Big Lebowski ou de Fargo (pour ne pas parler de L’Aventure c’est l’aventure ou Mon Oncle Benjamin) mais j’ai adoré Good Morning England, de Richard Curtis (2009) : bande-son impeccable (le rock anglais des 60’s) et le grand rôle de Philip Seymour Hoffman. Et puis il y a eu American Bluff, de David O. Russell (2013) avec la métamorphose incroyable de Christian Bale (bien meilleur que dans les Batman). Mon mauvais goût assumé me porte depuis toujours vers les comédies romantiques US (dans le genre Serial Noceurs est indépassable, sans doute en raison de vagues fragments autobiographiques sur lesquels il serait superflu de s’étendre ici…) : je sauverai donc The Break Up, de Peyton Reed (2006), avec l’immense Vince Vaughn et Jennifer Aniston, ne serait-ce que parce que ce film est la dernière de ces comédies vraiment regardables : depuis, les nanars s’accumulent (hélas). On peut se consoler en regardant les deux RED (Retired Extremely Dangerous), hilarantes parodies des films d’action, avec Bruce Willis, John Malkovitch, Morgan Freeman et Helen Mirren (idéal pour se détendre après une journée de boulot).

Les pires films de la décennie : Je ne suis pas très à l’aise avec "les pires" films : pour tout vous dire, je les ai déjà oubliés ! La vie est courte, autant ne pas s’encombrer avec les désastres. Bon, s’il faut vous faire un aveu : The Tree of Life, de Terence Malick est sans doute le pire calvaire cinématographique que l’on m’ait imposé. Rien compris. D’un ennui abyssal. Et puis, même s’il ne s’agit pas de nanars à proprement parler, je me serais aisément passé de la trilogie du Hobbit de Peter Jackson : son adaptation du Seigneur des anneaux est pour moi ce qui s’est fait de mieux dans le genre (adaptation brillantissime, distribution exceptionnelle, montage formidable…) mais la suite est un lent (très lent) naufrage. D’ailleurs, pourquoi des suites ? (ah, oui, j’oubliais : faut dire spin-off, non ?)

Quelles sont trois séries qu'il faut impérativement avoir vues depuis 2006 ? Et celles qu’il faut éviter de voir ?
Il faut absolument avoir vu Game of Thrones, True Detective, et Tudor (en 2007, cette série historique a ouvert une voie). Sinon, souvenez-vous qu’Amicalement vôtre et Chapeau Melon & Bottes de cuir, c’est pas mal non plus...

Quels sont les succès les plus immérités et les échecs les plus injustes de ces dix dernières années ?
Je ne suis vraiment pas très doué pour commenter les succès immérités mais parmi eux mentionnons une bouse intégrale sur un sujet pourtant génial, qui m’a mis en rogne : 300, ni fait ni à faire malgré un budget d’effets spéciaux phénoménal.

Quel a été le talent qui a changé la donne depuis dix ans aux Etats-Unis ou en France ?
Aux Etats-Unis, Matthew McConaughey : il s’est imposé comme le meilleur acteur de la décennie par son virage à 180 degrés, de la comédie cucul aux films les plus exigeants et aux blocks-busters de grandes qualités. Il y a chez lui un petit côté "De Niro", pour la capacité à se transformer (voir Killing Joe ou Dallas Buyers Club, entre autres). C’est un des plus grands acteurs contemporains. En France, nous avons Eric Elmosnino (il peut tout jouer, avec un talent fou, il serait temps de lui proposer de grands rôles). Beaucoup de bonnes et belles actrices mais j’ai du mal à en isoler une. Si : Julianne Moore, c’est sans doute elle l’actrice de la décennie, celle qui ose tous les rôles. Elle est admirable.

Quelle est l'actu liée au monde de l'entertainement qui a,  selon vous, eu le plus d'impact depuis 10 ans ?
Les séries. Elles ont changé non seulement la façon de regarder des films mais aussi la façon d’écrire et de tourner.

Quelle est la scène de film ou de série sorti(e) depuis 2006 qui ne vous quitte plus ?
L’interminable et génial plan séquence du film d’Alfonso Cuaron, Les fils de l’homme (adapté de P. D. James) avec Julianne Moore et Clive Owen (avec la scène de la balle de ping pong).

Comment voyez-vous le cinéma dans 10 ans ?
Euh... Mince, je ne retrouve plus ma boule de cristal ! Voyons, voyons : reposez-moi la question dans 10 ans.

Quel(le) Français(e) obtiendra le prochain Oscar d'ici à 2026 ?
Aucune idée.

Quel est le film que vous rêveriez de voir dans les dix ans à venir ?
Aucune idée non plus. Je prends la vie comme elle vient, le cinéma aussi.

Quel conseil souhaiteriez-vous donner à l'équipe de Cineblogywood et à ses lecteurs pour aborder la prochaine décennie ?
Changez rien, les amis ! Un bon bouquin et un bon film : carpe diem.
Bon, c’est pas dans vos questions mais si jamais vous posiez celle-ci : "Quel est le plus grand film de tous les temps sorti ou ressorti en Blu-Ray depuis 2006 ?" Je répondrai sans hésiter : Citizen Kane, d’Orson Welles (1941). Et pas la peine d’expliquer pourquoi, si ?

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