jeudi 22 septembre 2016

Cézanne et moi : Cézanne émoi

En salles : Cézanne et moi... Ceci n’est pas un biopic. Loin des scénarios linéaires et bien structurés, Danièle Thompson (réalisatrice ET scénariste du film) choisit une narration éclatée et centrée sur l’amitié entre Zola (Guillaume Canet) et Cézanne (Guillaume Gallienne), bien différente du traditionnel biopic.


Au gré des souvenirs de toute une vie s’entremêlent les moments d’admiration mutuelle et de féroce jalousie – Cézanne à Zola : "J’aimerais peindre comme tu écris" - les joutes verbales - parfois un peu répétitives -  et les doutes artistiques. Cette amitié dévorante ferait presque de l’ombre à leurs femmes, tant celles-ci semblent parfois anecdotiques au regard de leur relation tumultueuse. Hortense Cézanne (Deborah François), discrète mais pas toujours soumise, fait les frais du perfectionnisme de son mari, jamais assez belle pour accompagner son coup de pinceau jusqu’à terme, enlaidissant bien malgré elle ses œuvres inachevées. Quant à Alexandrine Zola (Alice Pol), matrone gouailleuse - les yeux fermés, on pourrait croire que c’est Audrey Tautou – elle tient fièrement tête à Cézanne quand celui-ci pousse à bout son grand ami Emile et souvent tous les autres avec lui.
 
Comme un prolongement de leur amitié, c’est aussi de l’écriture et la peinture dont Zola et Cézanne sont esclaves. Elles les renvoient sans cesse à leur relation, Cézanne finissant par accuser obstinément Zola d’utiliser leurs souvenirs, leur vécu, pour écrire – notamment dans L’œuvre. Quand Zola, fils de pauvres, trouve le succès, Cézanne, pourtant issu de la bourgeoisie, stagne. Personne ne veut de ses toiles, et son arrogance en prend un coup...



 
Gallienne : éperdument Cézanne
 
Ce que l’on a le plus aimé dans Cézanne et moi ? La performance d’un Guillaume Gallienne à mille lieues de ses rôles habituels. Alors que Danièle Thompson le voyait en Zola, il lui a préféré Cézanne, et c’est tant mieux. Guillaume Gallienne a raison, c’est peut-être son meilleur rôle. Méconnaissable, impétueux, colérique, provocateur à l’excès, il écrase tout par sa performance. On est presque déstabilisé de le voir face à un Zola tout en retenue, parfois figé. Mais c’est sans doute cela qui accentue la force du jeu de Gallienne. Un Zola impassible, droit dans ses bottes face à un Cézanne survolté. Un virage artistique pour Guillaume Gallienne. La virilité, ce n’est pas nécessairement renverser Adèle Exarchopoulos sur un bureau, mais très certainement un rôle comme celui que lui offre Danièle Thompson.
 
Il n’est pas le seul acteur du Français : Christian Hecq est remarquable en Père Tanguy. On saluera aussi le jeu tout en nuances d’Isabelle Candelier (la mère de Zola). Et tout particulièrement cette scène avec Cézanne où, très affaiblie, elle puise dans ses dernières forces pour l’apaiser comme elle le peut lorsqu’ils sont témoins des moqueries de ses camarades à son égard. Car Cézanne, incompris, se met peu à peu tout le monde à dos. Zola, prenant sa défense, s’interroge : doit-on s’éloigner de ses amis parce que l’on connaît leurs défauts, pour laisser place à d’autres dont on ne les connaît pas encore ?
 
Une esthétique sublime, atout pour les Oscars ?
 
Tourné entre Paris, Aix et Provence et les jardins de la maison de Zola à Médan restaurée grâce à Pierre Bergé, le film est une peinture à lui seul. Outre un vrai travail de recherche iconographique pour sa mise en scène, ses décors et costumes, Danièle Thompson nous offre plusieurs plans remarquables dans la nature Aixoise. Un atout certain lorsque l’on sait que le film vient d’être pré-sélectionné aux Oscars dans la catégorie meilleur film étranger. Mais Cézanne et moi fera t-il mieux que Renoir, qui n’avait pas atteint la short list finale de l’Académie ? C’est en tous cas une belle vitrine à l’international pour la France, son patrimoine et son histoire.
 
Que retient-on du film ?
Comme une peinture impressionniste, et au vu de sa structure, quelques détails, ça et là, mais de taille. Un Cézanne marquant, touchant dans sa folie et somme toute un génie incompris. Et surtout une scène finale superbe de retrouvailles – mais à quel prix - comme un point d’orgue à cette amitié au long cours. Enfin, cette image de Cézanne coiffé de son haut de forme, un peu hagard, tentant de mettre la dernière touche à l’une de ses toiles, au milieu de cette nature qu’il aimait tant.

Joanna Wallace
 

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