En salles : Braqueurs, shérifs, cavale, sur fond de Texas en crise... Comancheria cumule tous les atouts pour faire pâlir d’envie tous les amoureux de l’Amérique, de ses grands mythes, quitte à les écorner. Pari gagné sur toute la ligne pour son réalisateur David Mackenzie pour sa première incursion aux Etats-Unis, avec ce road movie qui rappelle aussi bien Cimino que les frères Coen. Décryptage.
David Mackenzie, le secret le mieux gardé du cinéma anglo-saxon ?
Depuis une dizaine d’années, ce cinéaste britannique – ou plutôt, écossais - creuse un sillon dont il ne déraille pas : des projets personnels, bien loin des modes et des effets, qui tournent tous autour de héros masculins en crise, la fin du monde, les ravages de l’individualisme sur le collectif, des amours souvent contrariées... De Young Adam aux Poings sur les murs, en passant par Perfect Sense et ToyBoy, il signe une oeuvre imparfaite, certes, mais intègre et sans concessions.
Ballade désabusée et nostalgique
Et comme tout bon réalisateur britannique, le voici qui traverse l‘Atlantique pour porter son regard sur l’Amérique contemporaine, vue par la prisme de deux genres cinématographiques fondateurs : le western et le polar. A partir d’un scénario au cordeau signé Taylor Sheridan, qui avait précédemment signé celui de Sicario, il livre une ballade désabusée sur l’Amérique post-subprimes, empreinte à la fois de nostalgie et de désabusement. Nostalgie à l’égard d’un genre, des acteurs, d'un pays. Désabusement à l’égard d’une société qui ne sait plus se projeter au-delà d’un avenir composé d’argent facile et de gâchette tout aussi facile.
Ravages de la crise des subprimes
Sur un ton qui convoque à la fois Cimino période Canardeur, les Coen pour l’ironie cinglante et mordante et son travail sur les genres, et Andrew Dominik, pour sa capacité à livrer derrière le masque du genre comme dans Cogan, Comancheria s’apparente à un véritable témoignage documentaire sur l’Amérique des laissés pour compte. A la croisée du western, du road movie et du conte philosophique, son scénario bénéficie d’une double ligne claire, constituée par la cavale des deux frangins braqueurs, et de leurs poursuivants nonchalants – les braquages, les shérifs – pour finalement s’achever sur un dernier quart d’heure saisissant. Où tout à coup jaillissent la violence, le tragique et la profondeur humaine d’un récit qui jusque-là s’apparentait à une promenade de santé. C’est bien pour ça qu’on l’aime, ce film, telle une lampée de bourbon bien rèche après une journée de labeur sans queue ni tête, contre vents et marées, à l’instar de son superbe titre original, Hell or high water.
Directeur d’acteurs hors pair
Enfin, la direction d’acteurs de David Mackenzie fait une fois de plus des miracles : comme il était parvenu à transfigurer l'alors fadasse Ewan McGregor dans Young Adam, il est parvenu ici à transfigurer le fadasse Chris Pine en real bandit malin et beau gosse, complètement habité par son objectif de vengeance bancaire. Et qui tient même tête à Ben Foster, dans le rôle de son frangin tête brûlée et qui compose un numéro spectaculaire. Face à eux, dans leur cavale, ils ont traqués sur un mode pépère par un duo de policiers, l’un au bord de la retraite, campé par Jeff Bridges qui assure avec panache un rôle enfin digne de son nom, le premier depuis True Grit, il y a cinq ans déjà ; l’autre, Gil Birmingham, un Américain aux racines mexicaines et comanches, plutôt mutique, réceptacle de vannes pourries que lui lance son compagnon de traque. Mention également aux multiples seconds rôles qui portent chacun une couleur mythologique à ce Texas ravagé par la crise, et magnifié par la musique de Nick Cave et Warren Ellis.
Travis Bickle
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