mardi 10 décembre 2013

Audiard : le bonhomme derrière les mots


Artistes : En cette année du 50e anniversaire des Tontons Flingueurs, tristement endeuillée par la disparition de Georges Lautner, comment ne pas penser à celui qui a ciselé les répliques cultes de ce chef-d'oeuvre de la comédie française ? Michel Audiard ! L'indémodable cador du dialogue hexagonal mais pas que. Bien plus que ça. Derrière ses bons mots et sa gouaille populo, le bonhomme cachait une vaste culture, aussi bien de la pédale que de la plume. Et surtout, une sensibilité à fleur de peau. Des blessures, aussi. Celui qui en cause le mieux, d'Audiard, c'est Philippe Durant. Spécialiste de la bande à Gabin et de la bande à Bébel - auxquelles il a consacré de multiples ouvrages -, Durant sort au Cherche-Midi un livre-somme intitulé Audiard en toutes lettres.

D'emblée, ce qui surprend, c'est que le format comaque du bouquin : du A4 qui tient plus de l'annuaire professionnel des bistrotiers de Seine-et-Oise que du dictionnaire à la Robert et compagnie. Tout simplement parce que si Durant aborde la vie et l'oeuvre d'Audiard à travers des mots présentés par ordre alphabétique, il ne se contente pas de les résumer en petits paragraphes bien troussés. Non, il leur consacre autant de place que nécessaire : douze pages pour évoquer les projets d'Audiard, une seule pour parler de sa casquette.

 Tonton Michel

D'Acteurs à Volfoni, en passant par Flics, Nouvelle Vague ou Restaurants, Durant lève le voile sur l'univers d'Audiard, sur ses relations avec ses potes (Gabin, Blier, le Lino, Biraud...), ses coups de sang, ses saillies, sa passion pour la littérature et Céline notamment, ses fêlures... A ce titre, deux événements ont profondément marqué l'homme : la Libération et les sordides exactions qui l'ont accompagnée ; et, bien plus tard, la mort de son fils. Deux tragédies qui sont au coeur du roman le plus beau, le plus sombre, le plus poignant d'Audiard : La Nuit, le jour et toutes les autres nuits - qu'à l'instar de Durant, je vous recommande chaudement. 

L'auteur maîtrise son sujet. Pas question ici de "distance critique" ou de neutralité propre à la bio universitaire. Durant aime Audiard comme il est, généreux, mordant, de mauvaise foi. Quand il en parle, c'est comme s'il évoquait le souvenir d'un tonton (dézingueur) de la famille. Avec respect, admiration mais sans langue de bois. C'est ce qui fait l'intérêt de ce livre bourré d'infos passionnantes et bien écrit : on y découvre Audiard via la lettre et l'esprit. Sans oublier le coeur. A glisser d'urgence sous le sapin.

Anderton     

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