A voir : Dans le cadre de sa Semaine Cinéma noir américain, Canal+ diffuse ce lundi à 22h50 Do The Right Film, un passionnant documentaire sur le cinéma noir américain. Nous avons interviewé son réalisateur, Didier Allouch, correspondant de la chaîne à Hollywood et "Monsieur Marches" au Festival de Cannes.
Cineblogywood : Quel est le film choc, la claque, qui vous a fait découvrir le cinéma afro-américain ?
Didier Allouch : Do The Right Thing. Sans problème. C'était les années 90, on assistait à une vraie explosion de cinéastes afro-américains. Pour moi, jusque là je ne comprenais pas la différence. Pour moi, la couleur de peau d'un cinéaste n'importait aucunement. Pour moi à l'époque, je n'avais qu'une religion : le cinéma. Et je croyais naïvement que cette religion transcendait la notion de race ou de couleur de peau. Et puis arrive Spike Lee et son chef-d'œuvre Do The Right Thing. Voici le premier cinéaste qui, à travers ce qui reste un très grand film de pur cinéma, m'envoyait dans la figure ce que ça voulait dire être un jeune black en Amérique dans les 90's. J'ai été autant épaté par le film que choqué par ce qu'il disait. Ce film m'a ouvert les yeux dans tous les sens du terme.
Votre documentaire montre bien que le cinéma afro-américain a longtemps été apprécié et reconnu dans le circuit indépendant, notamment à Sundance. Pensez-vous qu'Hollywood est désormais prêt à faire une place durable et conséquente aux cinéastes noirs américains ?
On avance un peu là-dessus mais que ça va doucement, que c'est difficile. Certes Ryan Coogler fait un film Marvel mais c'est Black Panther, la franchise black de Marvel. Et Coogler est tout simplement un immense cinéaste. Le vrai progrès ne sera-t-il pas quand il réalisera Avengers 4 ou 5 ? Le sentiment est mitigé. Oui, ça avance un peu mais chaque décision a des relents de vieux racisme, admis ou pas, qui est indéniablement toujours là.
Derrière Spike Lee, qui a tracé la voie, quels sont les cinéastes afro-américains qui vous semblent les plus prometteurs ?
Aujourd'hui, il y a vraiment une nouvelle génération qui explose. Ryan Coogler est le plus intéressant, mais il y a aussi Justin Simien, Ava DuVernay, Nate Parker et j'en oublie beaucoup. Reste à savoir comment leurs carrières vont évoluer et la place qu'ils pourront avoir à Hollywood. Mais ils auront au moins leur place dans l'indépendant.
Vous évoquez dans Do The Right Film l'accueil triomphal reçu à Sundance par The Birth of a Nation de Nate Parker. Un film dont l'élan a été brisé par la polémique sur les agissements passés de son réalisateur. Sa sortie en France est prévue pour le 11 janvier 2017. Pourquoi faut-il aller le voir ?
L'histoire de ce film deviendra elle-même un film un jour sans doute. On l'appellera peut être Grandeur et Décadence ou Promesses Déçues. Le film n'est pas une merveille, personne n'a jamais dit ça, mais il aurait pu être un film important. Pour la premiere fois un jeune cinéaste indépendant black raconte l'esclavage et à travers une histoire de révolte black. Le film est loin d'être parfait mais la démarche est remarquable. Cest surtout ça qui est célébré à Sundance. Après le film a été rattrapé par l'histoire de son réalisateur (lire l'article de Télérama). Je n'ai aucun jugement là-dessus. Ce n'est pas à moi d'en avoir. Mais l'intention du film est remarquable.
Quels sont, selon vous, les trois films à voir impérativement pour saisir la richesse et la vitalité du cinéma afro-américain ?
Juste trois, c'est juste. Disons que pour bien saisir ce qu'il se passe aujourd'hui dans le cinema Black US, il faut impérativement voir Fruitvale Station, parce que le film allie autant le cinema pur et la dénonciation sociale. Il faut voir aussi Dear White People de Justin Simien, pour mesurer à la fois le malaise social et l'humour smart, et Straight Outta Compton parce que, quand ils le veulent, les studios peuvent aussi faire ça.
Les talents noirs peinent à percer dans le cinéma français. Quelle inspiration peuvent-ils puiser outre-Atlantique pour s'imposer enfin ?
L'inspiration est ailleurs que dans le cinéma. Elle s'appelle Barack Obama.
Suivez Didier Allouch sur Twitter : @CanalDidier
Spike Forever
Comme Didier Allouch, j'ai découvert la vitalité du cinéma noir américain avec Do The Right Thing. Le film avait fait le buzz au Festival de Cannes 1989 et j'étais allé le voir en salles avec des amis. Uppercut dès le générique : Rosie Perez dansant/boxant sur le Fight The Power de Public Enemy. Dans la salle, une personne âgée se met à crier : "Moins fort !". Des jeunes répondent : "Plus fort !"
S'ensuivent deux heures de mise en scène virtuose, qui place cependant l'humain au coeur du film. Fort, dérangeant, drôle, émouvant... Spike Lee est ma nouvelle idole. Je découvre Nola Darling n'en fait qu'à sa tête sur Canal, j'irai voir ses films suivants au cinéma. J'applaudis ses pubs avec Michael Jordan, me marre à chacun de ses "shows" sur les terrains de basket, approuve ses sains coups de gueule. Et conchie une industrie qui lui refuse une reconnaissance méritée. Brother Spike a bien ouvert la voie aux talentueux cinéastes afro-américains d'aujourd'hui. Respect.
Anderton
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