lundi 21 novembre 2016

"Lalo Schifrin a créé un nouveau son dans le cinéma hollywoodien" - INTERVIEW


Artistes : C'est à un immense compositeur que le Festival de Cinéma et musique de film de La Baule 2016 a décerné un Ibis d'or : Lalo Schifrin. Lors du concert-hommage qui lui a été rendu, le 12 novembre, l'artiste, qui a signé les partitions de Bullitt, Mission Impossible ou Inspecteur Harry, a rejoint au piano l'orchestre dirigé par le compositeur Jean-Michel Bernard. Ce dernier revient pour Cineblogywood sur une jazz session magique.





Pianiste, arrangeur, compositeur, Jean-Michel Bernard a notamment signé les bandes originales de Hugo Cabret et de plusieurs films de Michel Gondry, dont La Science des rêves

Cineblogywood : Lors du concert, vous avez déclaré que Lalo Schifrin était l'un des cinq plus grands compositeurs actuels. Quel est son apport à la musique, et notamment la musique de film ?
Jean-Michel Bernard : Son apport est immense dans la mesure où il a su, de par sa personnalité et son intelligence, créer un nouveau son dans le cinéma hollywoodien des années 60, plus particulièrement dans le domaine des films d’action, bien qu’il soit capable de tout faire. Peu de compositeurs peuvent se targuer d’avoir marqué autant un art, il y a véritablement un "son" Schifrin, et le vrai talent c’est cela, avoir su marquer de son empreinte un domaine où le cahier des charges est souvent très lourd, les demandes variées et changeantes. 
Comme il y a un "son" John Williams, Jerry Goldsmith, Maurice Jarre et quelques autres, il y a un univers Lalo Schifrin qui est encore bien plus large. Et comme beaucoup de compositeurs de cette époque, le jazz a été une influence majeure de par la richesse de ses harmonies, Lalo y a rajouté les rythmiques latines, la musique classique, Ravel, et le monde d’Olivier Messiaen... Rien que ça.

Les génériques qu'il a composés pour Mission Impossible et Mannix sont dans toutes les têtes. Mais quels sont les morceaux ou les albums que vous recommanderiez d'écouter pour saisir le style Schifrin ?
Les albums Jazz meets the Symphony incontestablement, surtout parce qu’ils mélangent deux styles musicaux qui me sont chers, le jazz et la musique classique. Lalo, ce n’est pas uniquement Mission Impossible ou Rush hour. Ce n’est que la face la plus visible de l’iceberg chez cet homme incroyable.
Les suites pour Dizzy Gillespie également, un artiste qui l’a profondément marqué, ou encore les albums de Bossa Nova.

Sur scène, vous vous êtes livré à une improvisation de haut vol avec Lalo Schifrin, dont on n'a peine à croire qu'il a 84 ans. Racontez-nous comment vous avez vécu ce duo musical virevoltant ?
Un rêve immédiat, comme une bulle incroyable pendant un moment unique d’une vie. Une sorte de bataille musicale comme celles que je livrais quand je jouais dans le quartet de Ray Charles. C’était à celui qui esbroufferait le plus l’autre ! Il était redevenu le Lalo des jeunes années, d’ailleurs il m’appelle dorénavant son "frère de musique", ce qui est évidemment pour moi un compliment absolument incroyable. Je compte bien aller le titiller chez lui à L.A. prochainement d’ailleurs...

Lalo Schifrin est passé par le Conservatoire, dans les années 50. Pouvez-vous nous parler de son lien, très fort, avec la France ?
Il aime profondément la France, vous pourrez lire sa biographie pour cela. Je pense que Ravel, entre autres, l’a profondément influencé, et le fait de travailler avec Olivier Messiaen ou encore Nadia Boulanger a été primordial pour la suite de sa carrière. D’ailleurs, il veut revenir à Paris prochainement pour faire jouer sa Suite consacrée à Dizzy Gillespie dont je devrai assurer la direction artistique.





Vous êtes vous-même compositeur et avez signé plusieurs B.O.F. C'est quoi une musique de film réussie ?
Déja un bon scénario, un bon réalisateur qui vous laisse l’ouverture... Souvent une musique réussie est le fruit d’une collaboration étroite. Je pense que La Science des rêves de Michel Gondry n’aurait pas été pareille musicalement si Michel ne m’avait pas laissé une grande liberté. C’est un travail d’équipe mais souvent le compositeur est bien esseulé à la fin du tournage et du montage, il doit avoir les épaules solides !
Je regrette aujourd’hui que tout le monde s’engouffre dans l’entonnoir "musique à l’image" souvent sans rien en savoir. Mais l’enseignement commence à se développer, mon ami Bruno Coulais et moi-même enseignons la musique à l’image au CNSM et au conservatoire de Paris 12.

Quels sont vos projets ?
Money is money Baby, le nouveau film de Gela Babluani - réalisateur de 13 Tzameti, primé à Sundance et Venise -, qui sortira en 2017 avec un score très sombre, inhabituel pour moi, ainsi que la série d’Anne Giafferi pour M6, Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux, et une autre série pour la TV russe, toujours de Gela Babluani. Il y aura également le festival de Cracovie avec deux grands concerts en mai 2017 et d’autres projets, dont un album consacré à... Lalo Schifrin, ainsi que le documentaire de Pascale Cuenot, Bandes Originales [lire notre article sur celui consacré à Alexandre Desplat]. 




Au Festival de La Baule 2016, l'orchestre était constitué de Jean-Michel Bernard (arrangements, piano), Pierre Boussaguet (contrebasse, guitare basse), François Laizeau (batterie), Eric Giausserand (trompette), Charles Papasoff (saxophone, clarinette, flûte) et Daniel Ciampolini (percussions).

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