lundi 28 novembre 2016

Dictionnaire Clint Eastwood : maître du clair-obscur

A lire : Clint Eastwood, 86 ans, près d’une quarantaine de films comme réalisateur, a déjà fait l’objet de très nombreuses biographies et analyses – de Patrick Brion à Bernard Bénoliel, en passant par Richard Schickel, pour ne citer que les plus connues en France. Grâce à ce Dictionnaire Clint Eastwood - petit format mais grand contenu -, on peut enfin appréhender son œuvre dans sa globalité, sa richesses et sa complexité.



L’héritier – le seul ?
Certes, nul souci pour son auteur, Andrea Grunert, enseignante de cinéma en France et en Allemagne, à l’origine d’une thèse de doctorat sur le cinéaste qualifiée d’osée car iconoclaste par son sujet, de remettre en cause l’exégèse habituelle de son œuvre : on y retrouve ainsi analysées les principales thématiques qui traversent  ses films – héros, individu, Amérique, violence, Seconde guerre mondiale, par exemple. Et qui font de lui l’héritier des grands classiques du cinéma américain, de John Ford à George Stevens, en passant par Raoul Walsh et Don Siegel. Les entrées font également la part belle à ses films en tant qu’acteur et en tant que réalisateur, de Rawhide à La Kermesse dans l’Ouest en passant par Bird ou Mémoire de nos pères. Ce qui vaut à Andrea Grunert de se montrer sans concession quand il s’agit de pointer les faiblesses de certains de ses films (Pink Cadillac ou La Relève).
Autre intérêt de cet ouvrage, dense, précis et intelligent : ses entrées par collaborateurs. Manière pour le cinéphile de prendre conscience du fait que Clint Eastwood travaille avec fidélité, en équipe, que ce soit à la lumière, au scénario ou au montage.
Celles qu’on n’attendait pas
Le plus passionnant réside dans les entrées que l’on n’attendait pas. Ainsi, par exemple, celles consacrées à l’homosexualité, à la comédie, à la mort, à l’écologie, qui dressent des pistes d’analyse insuffisamment explorées jusque-là. Oui, l’amitié virile se teinte, même chez Eastwood, d’une tonalité homosexuelle refoulée ; oui, le ton de la comédie parsème la plupart de ses films, quand il ne s’agit pas d’auto-ironie ; oui, la mort est partout présente chez le cinéaste, détectable à travers sa fascination pour les cimetières et les fantômes ; oui, Pale Rider peut se lire comme un manifeste de défense de la nature contre l’industrialisation.
Le Noir lui va si bien
Enfin, une magnifique entrée consacrée au Noir permet à l’auteur de dessiner en Eastwood l’héritier cinématographique d’un Caravage ou d’un Rembrandt, d’un maître du clair-obscur. De très belles pages qui allient analyse esthétique et thématique, dont on regrette juste qu’elles ne soient pas davantage illustrées d’un point de vue iconographique. Clint Eastwood esthète ? Une proposition qui mériterait une analyse à elle seule, mais qui, en l’occurrence, donne juste envie de revoir toute sa filmographie sous cet angle.
Mission accomplie, donc, pour ce dictionnaire, complément indispensable aux monumentales biographies qui ont déjà été consacrées au réalisateur devenu un mythe vivant du cinéma. Et qui permet de naviguer dans toute son œuvre, que l’on soit spécialiste ou juste amateur soucieux d’approfondir sa culture eastwoodienne.
Dictionnaire Clint Eastwood, Andrea Grunert, éditions Vendémiaire. A lire chez le même éditeur, le Dictionnaire Spielberg.
Travis Bickle

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