dimanche 23 mars 2014

Her : un film techno future


En salles : Au milieu des gratte-ciels et des coupoles futuristes, Theodore tombe amoureux de son nouveau système d’exploitation informatique, Samantha. Amusante, intelligente, elle est aussi incroyablement rapide et multitâches. Dans Her, ce film futuriste à la fois drôle et émouvant, Spike Jonze (Max et les Maximonstres) mène une réflexion novatrice sur l’influence de la technologie sur l’homme. 


La nouvelle Métropolis

Majestueuse et élancée, la ville futuriste de Spike Jonze est construite par des plans mélangés de Los Angeles et Shanghai, et nous prouve une fois de plus la magie du montage. Dans ce monde moderne et surprenant, les plus petits détails sont l’occasion de rappeler la machine informatique, omniprésente. On remarque ainsi les costumes originaux qui rapprochent les années 90 aux couleurs criardes de la marque japonaise Uniqlo. Cette fusion entre l’ancien et le nouveau peut être interprétée comme une élégante manière d’établir un lien entre la décennie qui a vu la naissance et l’essor fulgurant de l’informatique, et les "new techies" d’aujourd’hui (geeks hipsters de San Francisco, travaillant dans les grandes entreprises internet comme Google ou le développement de nouvelles applications).

Filmée de manière épurée, depuis des jardins en plein air, et de vastes plates-formes, la ville est composée de couleurs crépusculaires. De l’orangé au blanc laiteux, Spike Jonze utilise une multitude de nuances colorées. Très proche du clip publicitaire, cette ambiance rappelle notamment ceux d’Apple : une esthétique à la fois séduisante et distante, où le jour pointant semble le premier d’une nouvelle ère. Le réalisateur bâtit ainsi un monde riche de références à plusieurs niveaux de lectures, où publicité, technologie et poésie se confondent, et forment un futur relativement proche...

"Poetry, beauty, romance, love, here is why we stay alive for" (Your Verse, publicité Ipad)

Dans le monde Apple donc, chacun est relié à son smartphone par une oreillette (blanche bien sûr), et contrôle vocalement son gadget. Le traitement de l’importance croissante de la technologie fait preuve de finesse et de discernement. Evitant l’écueil du film d’anticipation orwellien, Jonze adopte un détachement feint qui laisse au spectateur plus de latitude pour construire un jugement... et s’immerger dans un monde où chacun est esseulé dans sa bulle technologique.
   
Usant du flou et des plans rapprochés, il isole constamment le personnage principal. Jonze aborde ainsi la question de ce que l’on pourrait appeler la "solitude de l’homme moderne", entouré de ces gadgets technologiques. Quelques trouvailles, comme un dialogue avec le personnage d’un jeu vidéo ou une scène de sexe par téléphone avec une totale inconnue, contribuent à alimenter cette sensation d’isolement. La solitude est-elle créée par la technologie, qui individualise les loisirs et la communication de chacun ? Au contraire, est-elle source de consolation ? Quoi qu’il en soit, le rapport de l’homme à cette dernière devient affectif, reconnaissant... et amoureux.

Hello, I love you

Ainsi se construit une métaphore de la relation entre l’homme et la technologie, incarnée par une romance pour le moins singulière. Défiant notre conception de l’amour, l’informatique entraîne l’homme à reconsidérer les valeurs qui l’avaient jusqu’ici construit. L’amour "classique" est toujours perdant, symbolisé par le divorce de Theodore ou la rupture de son amie Amy. Tandis que les partenaires amoureux en chair et en os semblent perdre en réalité, la côte de popularité des "OS" grimpe à toute allure. Utile pour l’organisation des emails et de l’agenda, ces systèmes d’exploitation à voix et personnalité humaines sont également d’une grande aide psychologique, et proposent à l’homme une alternative sentimentale face à l’échec de l’idéal amoureux. Une idée intéressante, qui prend d’autant plus d’importance au regard de l’essor des sites de rencontres sur internet.

Face à un Homme fatigué par l’échec de ses idéaux, la technologie apparaît donc comme un outil tout-puissant, une solution facile. Tellement puissante qu’elle dépasse son inventeur et gagne en autonomie. De 2001 L’Odyssée de l’espace à Matrix, ce thème semble désormais un incontournable du film d’anticipation. C’est en cela que le traitement de Spike Jones est novateur : contrairement à l’habituel scénario catastrophe, il montre un homme presque apaisé, qui se sait inférieur à la machine, et l’accepte en un mélange de tristesse et de déférence. Un combat perdu d’avance ?

Anouk

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