mercredi 19 novembre 2014

Le Canardeur : Eastwood-Cimino, duo gagnant-gagnant


En DVD et Blu-ray : Premier film de Michael Cimino, Le Canardeur (Thunderbolt and Lightfoot, 1974) marque le premier jalon de la carrière du cinéaste de Voyage au bout de l'enfer et de Heaven's Gate. Moins connu que ses deux oeuvres magistrales, souvent considéré à tort comme mineur, Le Canardeur réussit une double gageure : s'inscrire dans la geste eastwoodienne, alors triomphante au box-office ; s'imposer comme un authentique film d'auteur, dans lequel on retrouve totalement éclos les thèmes qui nourriront ses chefs-d'oeuvre futurs, maudits ou pas. Et la copie éditée par Carlotta rend hommage aux beautés plastiques de ce petit film, pas si petit que ça...


Don Quichotte et Sancho Pança en Americana

Le Canardeur, c'est quoi au fait ? Buddy movie, road movie, polar... Un peu tout cela à la fois. En tout cas, inutile de finasser : dès les premiers plans – Clint Eastwood déguisé en pasteur, au milieu d'une église, poursuivi par un homme armé, se réfugie au beau milieu d’une prairie – éclate aux yeux la passion du réalisateur d’Heaven’s Gate pour l’Amérique : ses paysages fordiens, ses héros virils et désabusés en quête d’absolu, son style élégiaque et nostalgique d’une certaine Americana.

Buddy movie goguenard 

Et puis, surtout, il permet à ce faux dur d’Eastwood – alors en pleine époque Inspecteur Harry – de s’attendrir face à Jeff Bridges en jeune chien fou, comme une sorte d’ultime miroir de sa jeunesse perdue. A la recherche d’un magot caché dans une école qui n’existe plus, leurs aventures picaresques prennent les allures de quête absurde, à l’image de celle de Don Quichotte et Sancho Pança aux US. Car outre ses allures de faux road movie, Le Canardeur est un vrai buddy movie – cf son titre original Thunderbolt & Lightfoot, tiré d''un récit irlandais du XIXe siècle déjà adapté au cinéma par Douglas Sirk, Capitaine Mystère (1955) – qui exalte l’amitié masculine et l’individualisme entre les outlaws – non sans y ajouter une pincée d’homosexualité goguenarde, à l’instar du travestissement féminin auquel s’adonne le personnage de Jeff Bridges !

Magnifique coup d’essai élégiaque et nostalgique

Bref, un magnifique coup d’essai, à mi-chemin des westerns classiques de John Ford et des œuvres crépusculaires de Sam Peckinpah, qui sans l’ampleur et la démesure de ses oeuvres futures – Voyage au bout de l’enfer, Heaven’s Gate, L’année du Dragon – témoigne du talent d’un cinéaste qui désormais n’a malheureusement plus donné aucun signe de vie cinématographique depuis 15 ans.

Parmi les bonus, un récit audio inédit de Michael Cimino réalisé en 2013 permet de revivre sa genèse, son inscription dans le Hollywood des années 70, ainsi que le poids d'une star comme Clint Eastwood, alors au faîte de sa gloire comme acteur, alors considéré comme réac, et négligé de ce fait par les principaux réalisateurs du Nouvel Hollywood (Rafelson, Ashby, Schatzberg, Coppola...).

Travis Bickle


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