lundi 10 novembre 2014

Quand vient la nuit ... arrive un maître


En salles : "BULLHEAD BULLHEAD BULLHEAD BULLHEAD BULLHEAD BULLHEAD BULLHEAD BULLHEAD BULLHEAD BULLHEAD", m'étais-je écrié sur Twitter à la sortie de la projection du 1er film du Flamand Michael R. Roskam en février 2011. Et le cinéaste flamand de passer la redoutable épreuve du second film avec brio. Aux Etats-Unis, qui plus est. La preuve par 5.


Atout n°1 : Dennis Lehane
En traversant l'Atlantique, le cinéaste Michael R. Roskam a eu l'intelligence de s'appuyer sur un matériau pré-existant, celui de l'écrivain Dennis Lehane – Mystic River, Shutter Island, y a pire. Autant le dire toute de suite : les amateurs d'intrigue made in Boston seront déçus, l'écrivain ayant choisi d'adapter une nouvelle tirée de son recueil Animal Rescue dans le cadre de Brooklyn. Résultat : même attention sociologique aux micro-événements qui en disent long sur la vie d'un quartier – ici, le poids des promoteurs immobiliers, l'apparition d'une mafia venue d'Europe de l'Est – en l'occurrence, de Tchétchénie. Reste les fondements du cinéaste, en germe dans son oeuvre-claque Bullhead : le poids du passé, les traumatismes enfantins comme clés comportementales des adultes.

Atout n° 2 : Michael R. Roskam
Avec son second film, tourné aux Etats-Unis, le cinéaste flamand a su rester fidèle à lui-même. Outre la présence de son acteur fétiche Matthias Schoenaerts, sa cohérence se manifeste par le poids qu'il accorde à ses personnages, parfois au détriment de l'intrigue, et à la peinture de seconds rôles comme on en trouve rarement dans le polar contemporain. J'en veux pour preuve ce flic latino, qu'on dirait calqué sur celui de Colombo, et qui apporte une touche de respiration dans un univers plombé et claustro. Autre exemple : la relation exemplaire qui se noue entre le personnage principal et un chiot, recueilli dans une poubelle. Prétexte à une discrète parabole sur la solitude et la nécessaire rédemption de son protagoniste. Qui se fait au prix d'une certaine dose de cynisme et d'amoralité. Enfin, son personnage principal est le même que celui de Bullhead : un être mal fini, mi-adulte, mi-enfant, en quête de stabilité affective et existentielle.

Atout n° 3 : son équipe technique
Outre son musicien Raf Keunen, qui installe une partition inquiétante et impressionniste sur l'ambiance de Noël, le cinéaste a embarqué avec lui outre-Atlantique son chef op Nicolas Karakatsanis. Plastiquement, on retrouve le soin qu'il accorde aux contrastes de lumière entre les tonalités chaudes pour les intérieurs, notamment dans le bar principal, et les plus froides pour les extérieurs. D'autant que située pendant Noël, l'intrigue permet au cinéaste de lui donner des allures de conte, avec à la clé une rédemption potentielle. De même que Bullhead lorgnait vers La Belle et la bête.

Atout n° 4 : un casting cosmopolite
Quoi de commun entre le Britannique Tom Hardy, l'Américain James Gandolfini (dans son dernier rôle), la Suédoise Noomi Rapace ou le Flamand Matthias Schoenaerts ? Brooklyn ! Sans compter un inspecteur latino ou un mafieux tchétchène. Rien de tel que le polar pour recueillir les évolutions sociologiques d'un pays, d'une ville, d'un quartier - en l'occurrence, sur une Amérique en mutation. Tom Hardy n'avait jamais été aussi doux et ambigu, Matthias Schoenaerts aussi dur et ambigu, James Gandolfini, aussi matois et... ambigu. Casting hors pair dirigé avec beaucoup de maturité.

Atout n°5 : sous influence James Gray
Mélange de stylisation et de réalisme, de tragédie et de documentaire, de film noir et de conte contemporain, impossible de ne pas penser à James Gray – il y a pire ! Le signe d'une ambition et d'un œil d'un jeune cinéaste dont on a hâte de découvrir les œuvres prochaines !

Travis Bickle

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