En DVD et Blu-ray : Décédé en 2006, Richard Fleischer aurait eu 100 ans cette année. La preuve qu'il n'est pas oublié : plusieurs de ses films (res)sortent en vidéo. Focus sur l'excellent coffret trois titres édité par Carlotta. Aujourd'hui, le journaliste Frédéric Mercier évoque Terreur aveugle (Blind Terror, 1971).
Cineblogywood : Donc, dans le coffret Carlotta, il y a Terreur aveugle. Comment se fait-il soit à ce point méconnu ?
Frédéric Mercier : Ce qui est dingue avec film, c’est que même certains cinéphiles purs et durs se demandent en le découvrant : "Mais c’est quoi, ce truc ?!". Il est vrai que la fin de la filmographie de Richard Fleischer – Amityville 3D, Kalidor, etc – n’est pas pas très défendable. Peut-être faudrait-il les revoir aujourd’hui ? Terreur aveugle, c’est un choc à plusieurs niveaux. C’est de l’artisanat génial. C’est un pur objet de mise en scène. La caméra posée au sol, etc. Il y a un côté démiurgique de la mise en scène dont s’amuse Fleischer. Tout ce qui se passe dans la maison, les morceaux de verre, les cadavres. C’est de l’épouvante inversée : le spectateur a de l’avance sur Mia Farrow. Dans les films d’horreur, on a souvent la surprise en même temps que les personnages. La première partie est hallucinante. Tout ce qui se passe dans le hors champ est fou !
Y a-t-il une scène en particulier qui t’a marqué ?
Ce qui m’a sidéré dans le film, c’est la scène du milieu, la chevauchée de Mia Farrow : les couleurs automnales éclatantes, rarement vues au cinéma de la sorte. On est dans un petit film dont l’intrigue ne tient sur pas grand-chose, et Fleischer magnifie tout, au point qu’à l’intérieur de ce petit slasher, il fait une séquence épique. C’est ça, magnifier un scénario ! Elle n’est peut-être même pas dans le scénario initial ! Et autre point : le film vire à la fin dans la scène de boue vers quelque chose de tellement organique, qu’il en devient presque abstrait. Peu de cinéastes sont capables de donner une telle force matérielle à un décor. Ca m’a rappelé quelque chose issu de la BD : quand on lit un Blake et Mortimer, notamment Le Piège diabolique, le décor le plus banal devient un décor infernal, source d’imaginaire extraordinaire. J’y ai retrouvé cette sensation. Ca faisait longtemps que je n’avais pas été autant immergé dans une scène. Le découpage est très précis, il laisse la durée s’installer, on sent la boue, la pluie, l’odeur de la carrière presque ! Il retrouve là quelque chose de son rapport à l’animation.
Et cette scène intervient après un huis-clos...
En fait, Fleischer installe l’intrigue à l’extérieur. Alors qu’il est à l’aise dans le huis-clos comme il le montre dans la première partie, il va très loin dans l’extérieur dans la seconde partie, au point de frôler le sordide. Son intelligence est d’avoir inversé le code et d’avoir rendu épique un film anxiogène. Et à la fin, l’extérieur devient également anxiogène.
Pourquoi ce film est-il resté dans l’ombre, plus que ses autres films ?
C’est toujours le même problème avec Fleischer : il a un rendement ahurissant. Rendement qui lui aura porté préjudice auprès de la critique. On pourra se demander dans quelle mesure cela l’a arrangé : Fleischer est un réalisateur qui veut travailler, enchaîner les tournages. Faire un film, c’est relever un défi, régler un problème technique. Eh bien là, ce devait être comment faire un film claustrophobique en extérieurs !
Travis Bickle
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