Artistes : C’était l’un des événements du Festival TCM Cinéma qui s’est tenu aux Fauvettes le week-end dernier, l’hommage à Clint Eastwood, via la projection de Dirty Harry, suivie d’une rencontre avec l’homme qui a œuvré à sa reconnaissance en tant que réalisateur, Pierre Rissient (lire notre article sur le Bouddha du cinéma français). 40 minutes d’anecdotes, de témoignages précis, de partis pris esthétiques, d’intelligence critique de la seule personne en France qui puisse se targuer d’appeler son ami cinéaste par son seul prénom, Clint. Florilège, première partie.
La place de Dirty Harry dans la filmographie de Clint Eastwood
"Clint était d’abord une vedette de TV, avant les films de Sergio Leone. Les 3 films qu’il tourne avec lui lui ont permis de devenir une immense vedette. Mais dans un premier temps, la carrière de Clint à Hollywood n’était été exceptionnelle avant ce film. Dirty Harry a une longue histoire avant d’avoir été fait par Clint et Don Siegel. Il avait été prévu pour Marlon Brando, Franck Sinatra et George C. Scott. Irvin Kershner devait le réaliser. Beaucoup de scénaristes se sont penchés sur le scénario – beaucoup plus que ceux inscrits au générique. Le film arrive entre les mains de Clint qui décide de le faire avec Don Siegel et Dean Riesner, le scénariste, qui met en place tout ce qui ne l’avait pas été avant. Le film est un immense succès. Il constitue un virage dans sa carrière, qui fait de Clint une grande vedette américaine, ce qu’il n’était pas tout à fait avant.
Une critique très importante et très influente de l’époque, Pauline Kael, a violemment attaqué ce film. Beaucoup de gens lui ont emboîté le pas, notamment ses admirateurs, qu’on appelait les Paulettes. Cela a duré avant 10 ans avant qu’il ne soit accepté comme artiste. Clint en a beaucoup souffert.
Il fait 4 autres Harry après. Le 2e, réalisé par Ted Post, est excellent. Il avait travaillé avec Clint sur la série TV Rawhide et avait réalisé avec Clint Pendez-les haut et court. Par ailleurs, Ted Post a fait un film remarquable dont on ne parle pas assez, Le Merdier, avec Burt Lancaster, un titre français ridicule, qui à mes yeux, et pas seulement aux miens, est le meilleur film sur la guerre du Viet-Nam. A la suite du succès du film, Clint est passé de Universal à la Warner."
Dirty Harry-Sully : quelle continuité ?
"On ne peut pas imaginer deux films plus différents que Harry et Sully, mais il y a un point commun entre les deux films: le rejet du système. C’est d’ailleurs peut-être inconsciemment la raison secrète pour laquelle Clint avait entrepris Dirty Harry. Le personnage de Tom Hanks ne s’oppose pas à l’administration de l’aviation civile de la même manière que le fait Harry à l’égard de la police, mais ils manifestent tous les deux une rebellion contre le système. C’est quelque chose de très profond chez Clint et chez Don Siegel. Ce dernier était très sardonique à l’égard des studios, d’où sa difficulté à s’intégrer. Clint était très frustré à l’égard de sa carrière, avant Rawhide, pendant Rawhide et pendant les Leone, qui lui avaient permis de devenir une grande star internationale. Cette frustration concernait l’intelligentsia. Au début, Clint était considéré par l’intelligentsia comme un bouseux et un fasciste. Il en a beaucoup souffert. C’est ce qui explique sa résistance et ses réticences vis-à-vis du système."
Clint Eastwood et la reconnaissance de ses pairs
"Beaucoup de metteurs en scène très importants ont été reconnus très tard. De même qu’il y a des metteurs en scène qui sont reconnus tout de suite et ne sont pas si bons et ne tiennent pas la route. J’ai eu la chance de rencontrer Clint après Les Proies. Clint connaissait ma réputation par Don Siegel. On est devenus très copains, très complices et, je pense, amis, très rapidement. J’ai eu la chance de le côtoyer pendant qu’il préparait Un frisson dans la nuit, son 1er film comme réalisateur. Ce film m’a montré qu’il était vraiment un metteur en scène. Le film n’est pas parfait – la partie avec Jessica Walter est supérieure à la partie avec Donna Mills. Je ne pensais pas qu’il monterait aussi haut qu’il est monté. Les choses ont commencé à changer avec Josey Wales, qu’il tourne après un film que j’aime beaucoup, Breezy, qui s’est trouvé être un échec considérable. Tout change avec la rétrospective à la Cinémathèque en 1984. A la suite de quoi Clint est venu à Cannes avec Pale Rider. En France, le tournant date de 1984 et des sorties de La Corde raide et Pale Rider - même si La Corde raide est moins bon que Josey Wales, Honkytonkman et Bronco Billy. Au niveau mondial, il a fallu attendre encore un peu : c’est avec Bird qu’il a obtenu la reconnaissance (1988). Un des meilleurs Clint, un des très grands films de l’histoire du cinéma. Il a donc fallu entre 15 et 20 ans pour que Clint soit reconnu. Je pourrais vous citer d’autres metteurs en scène à qui il a fallu plus longtemps pour être reconnus, voire qui ne le sont toujours pas ! Raoul Walsh n’a jamais été reconnu de son vivant, si ce n’est par un noyau de cinéphiles français. Je pourrais vous citer le cas d’un metteur en scène allemand qui a fait des films magnifiques, Hans Schwarz, avant Max Ophuls. Très peu de gens le connaissent. De temps à autre, je parviens à montrer ses films lors de cartes blanches. Le public est émerveillé."
Clint Eastwood : d’abord, acteur ou réalisateur ?
"Clint est un très grand acteur, mais il est un encore plus grand metteur en scène ! L’ironie, c’est qu’aujourd’hui on le considère avant tout comme metteur en scène plutôt que comme très grande vedette. C’est comme cela qu’il se considère aujourd’hui. La première étape dans sa carrière, c’est celle des westerns italiens, Dirty Harry et ses propres westerns ; la renommée internationale arrive à partir de Bird".
Lisez la suite Eastwood par Rissient (2/2) : Trump, Leone, Cimino et les autres
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