Artistes : On vous a dit ici tout le bien qu’on pensait de Mud. Sans remettre en cause l’immense prestation de Matthew Mc Conaughey, qui entre direct dans le Panthéon des grandes figures de l’Americana, à la fois ange et démon, il ne faudrait pas passer sous silence celle d’un autre revenant : Sam Shepard. Dans le rôle d’une figure paternelle d’abord inquiétante, puis mutique, enfin bienveillante, il ravive en nous le souvenir du grand bonhomme qu’il a été. Et nous fait regretter avec une pointe de nostalgie que les cowboys appartiennent désormais à un monde révolu ….Car Sam Shepard – on l’a un peu oublié – ce n’est pas seulement un acteur, une présence charismatique, c’est aussi – et avant tout – un écrivain. Nouvelles, poésies, scénarios, pièces de théâtre, pas un genre n’a échappé à sa plume, si ce n’est le roman.
En 5 films essentiels, Sam Shepard a bâti sa légende. Sa filmographie comporte beaucoup de navets ou de rôles alimentaires. Mais qui dit mieux : 5 films, une légende ? James Dean, peut-être ?
Zabriskie Point (1967) : LE grand film sur l’Amérique, qui fixe définitivement l’iconographie et l’imaginaire de l’Ouest californien. A la fois manifeste esthétique radical et magistrale critique du consumérisme, Sam Shepard ne pouvait pas ne pas en être. Il co-signe le scénario avec Clara Peploe, le maestro et son complice Tonino Guerra.
Paris Texas (1984) : Le film qui l’a rendu archi-célèbre. Paradoxalement, il n’y joue pas, il en a « juste » signé le scénario et les dialogues. Road-movie, roman familial, quête des origines, une œuvre à part, marquée par la musique de Ry Cooder et la lumière de Robby Muller. Et la beauté de Nastassja Kinski. Un morceau d’Amérique pop et mélancolique à lui tout seul.
Les Moissons du ciel (1978). Muet, granitique, il incarne la statue du Commandeur – certes mourant. De par sa stature, il s’impose comme le riche fermier, atteint d’une maladie incurable. D’où une sourde mélancolie qui imprègne ses faits et gestes. Le charisme à l’état pur.
L’Etoffe des héros (1984) : dans le rôle de Chuck Yeager, Sam Shepard livre son rôle le plus populaire. Et le plus proche de sa personnalité : héros de guerre d’un autre temps, qui cherche à repousser ses limites. D’où son refuge dans le passé, la nostalgie. Et le silence. Fresque indispensable pour comprendre l’Amérique de l’après-guerre. Et à l’édification du mythe Shepard.
Fool for love (1985) : huis clos filmé par Altman, tiré d’une de ses pièces. Loin d’être sa meilleure pièce – mais duel sommet entre Sam Shepard et Kim Basinger, en couple auto-destructeur, qui essaie de rafistoler les morceaux dans un motel au cœur du Mojave.
Ces derniers temps, il a fait de fugaces apparitions, trop fugaces pour être marquantes, mais dans de nombreux films marquants – Cogan et L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford d’Andrew Dominik, notamment. Reste ses écrits : Fool for love, Simpatico, L’Ouest le vrai. Des écrits qui rappellent aussi bien Tennessee Williams qu’Arthur Miller. Mais qui portent la patte de son auteur, un Américain, un vrai, davantage tourné vers les laissés pour compte que les winners du rêve américain.
Travis Bickle
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