En salles : C'est aujourd'hui que sort ce que les médias appellent l'ovni cinématographique de la rentrée. J'ai nommé Sa Majesté Minor. Le dernier film de Jean-Jacques Annaud déconcerte critiques et producteurs qui font déjà marcher leurs calculettes pour savoir si Minor rentrera dans ses frais (nos amis de Cinéfeed sont pessimistes). A tel point que le cinéaste est allé défendre son oeuvre lors des projections destinées à la presse. Tout cela est très bien raconté par Patrick Fabre dans son excellent blog audio. Annaud et moi
Je fais partie de ceux qui aiment Jean-Jacques Annaud et son cinéma. Cela date de 1981 quand notre prof de français (en 6e) nous fit découvrir La Guerre du feu, le roman de Rosny Aîné, alors que l'adaptation cinématographique sortait sur les écrans. Elle poussa le vice à nous emmener le voir au cinoche en nous menaçant de représailles si nous ne nous tenions pas à carreau. Au bout de cinq minutes de film, une lavandière du Néanderthal se fait prendre à l'improviste (et par derrière) par un homo sapiens émoustillé. Délire dans la salle !
Puis, j'ai découvert à la télé La Victoire en Chantant (superbe) et Coup de tête (géant ! un des meilleurs films de Dewaere). Je me suis intéressé aux pubs d'Annaud, celle avec les vautours qui désossent une voiture (Hertz), l'autre pour une eau minérale où tous les amis à poils et à plumes de Jean-Jacques ont fait le voyage. Nouvelle énorme claque sur grand écran avec Le Nom de la Rose. Stalingrad m'a fait décrocher la mâchoire d'ébahissement. L'Ours et L'Amant m'ont moins convaincu moins mais j'ai apprécié toujours autant la patte de JJ. Trois trous dans sa filmo : Les Ailes du Courage, Sept ans au Tibet et Deux Frères. Je ne les ai pas vus. Pas encore.
Jean-Jacques Anar
J'admire chez Jean-Jacques (c'est quasiment un ami, je me permets de l'appeler Jean-Jacques) sa passion pour le cinéma hors norme, "bigger than life" tout en restant plein d'émotions et d'humanité. A échelle humaine. Il a beau avoir la réputation d'être un cinéaste accompli et établi, bourgeois quoi, cet homme a touché à tous les genres, souvent pour en dynamiter les codes : il réinvente le film de guerre (et le western !) avec Stalingrad ; il bouleverse le cinéma en filmant la préhistoire telle qu'elle aurait pu être (pas de dialogues "modernes", fallait oser !) ; il consacre un film à deux ours sans tomber dans la niaiserie à la Disney...
Derrière le faiseur de magnifiques plans en Panavision, se cache un anar. Prenons un de ses grands succès : L'Ours. Film familial par excellence. Et bien, comme dans chacun de ses films, Annaud parvient à filmer une mémorable scène de baise ! Et il y insère aussi une scène d'animation (réalisée par des studios tchèques ou polonais, si j'ai bonne mémoire) d'une poésie absolue.
Bref, avec Sa Majesté Minor, le cinéaste va encore surprendre et nous emmener hors des sentiers battus. On aimera (ou pas) mais ce ne sera pas du "déjà vu". Aux producteurs-distributeurs-diffuseurs qui attendent du cash facile, Jean-Jacques Annaud fait un méga bras d'honneur. Avec le majeur tendu au bout. Le cinéaste est un artiste avant tout. Et avec Sa Majesté Minor, on peut dire qu'Annaud fait de l'art... et du cochon ! J'en grogne de plaisir.
Anderton