Artistes : A l'occasion du cycle Philippe de Broca qui débute mercredi à la Cinémathèque, Cineblogywood va vous proposer au cours des jours à venir une série d'articles sur cet immense cinéaste injustement négligé. Car à Cineblogywood, on adore Philippe de Broca (découvrez notre dossier). Et on commence par un abécédaire en quatre parties.
A
Comédie d'aventures dont on semble avoir perdu le secret : dialogues étincelants, scénario au cordeau signé Gérard Brach, couple magique, réalisation soignée, seconds rôles vivants et habités, rythme fondé sur des rebondissements dignes de Hergé, mélancolie sussurée par la musique de Delerue, apologie du rêve et du fantasme... "J'ai commencé par Depardieu, explique de Broca. Après, ce devait être Belmondo. (…) Mais il n'a pas voulu, je ne sais pas pourquoi. (…) Ses arguments ne m'ont pas paru très valables. Noiret est un homme que j'aime : c'est notre 4e film ensemble ! Deneuve, je l'avais prévue dès le départ. Pour une histoire comme celle-là, il me fallait vraiment des héros."
Apparence
Goût de la parure, du trompe-l'oeil et de l'apparence, c'est l'un des traits majeurs de l'univers du cinéaste. Qui unit avec un bonheur rare dans un même mouvement l'imaginaire au réel. Au point qu'il a pu être qualifié de cinéaste pascalien. Piste à creuser dans sa biographie, le cinéaste révélant qu'il avait été marqué par son grand-père, peintre nantais : "L'obsession de mon grand-père était de faire ressemblant".
Ariane (Films d')
Maison de production fondée par Alexandre Mnouchkine et Georges Dancigers. D'une fidélité absolue au cinéaste, ils lui produiront 12 films : L'Amant de cinq jours, Cartouche, L'Homme de Rio, Les Tribulations, La Poudre d'escampette, Chère Louise, Le Magnifique, L'Incorrigible, Tendre Poulet, Le Cavaleur, On a volé la cuisse de Jupiter, Psy. "Mnouchkine, c'est le producteur que je préfère : il est un peu mon père, mon frère aîné..."
B
Baroque
Baroque : qui fuit tout le temps, sans référent. Comment mieux qualifier les univers de de Broca – notamment les prodigieux effets de montages entre réel et imaginaire qui scandent Le Magnifique ? Comment mieux qualifier les destinées des héros debroquiens, de L'Homme de Rio au Cavaleur, en passant par ceux de La Poudre d'escampette ? "Il court pour le plaisir. Ce qui compte, ce n'est pas pourquoi il court. C'est la grâce de sa démarche". A quoi on peut rajouter un goût pour les parures, le kitsch et les bijoux. D'ailleurs, le mot baroque ne tient-il pas son origine du nom donné en portugais à une perle irrégulière ? Lire notre interview de Jean-Pierre Zarader sur le sujet.
Belmondo
Cadet de 15 jours, il est le second des acteurs autobiographiques du cinéaste. La version plus acrobatique et intrépide de la figure incarnée par Jean-Pierre Cassel. Six films en commun : Cartouche, L'Homme de Rio, Les Tribulations d'un Chinois en Chine, Le Magnifique, L'Incorrigible, Amazone. Bien qu'élogieux sur l'acteur, de Broca reconnaîtra une dégradation de leurs relations sur le tournage de L'Incorrigible en raison de ses exigences d'apparaître en gros sur l'affiche, ou de couper certaines scènes. "Moi, j'ai envie de raconter des histoires avec des héros, mais je n'ai pas envie de faire un Belmondo. (…) Je reste cependant attaché aux films que nous avons faits ensemble." Sans compter ceux qui sont restés inaboutis ou que l'acteur a refusés : Cyrano de Bergerac, Les Trois Mousquetaires, La Poudre d'escampette, L'Africain.
Bergerac (Cyrano de)
LE film qui a hanté toute l'oeuvre du cinéaste, sans qu'il ne parvienne à le monter. Proposé à Jean-Paul Belmondo, puis Yves Montand, puis Philippe Noiret... "Ce devait être un film drôle et émouvant en même temps. Je tiens surtout à l'esprit gascon qui sous-tend le scénario". C'est finalement son compère et complice Jean-Paul Rappeneau qui en signera une adaptation.
Boulanger (Daniel)
L'écrivain, récemment décédé en octobre 2014, aura grâce au cinéaste une carrière très importante au cinéma. Ils écrivent 10 films ensemble : Les Jeux de l'amour, Le Farceur, L'Amant des Cinq jours, Cartouche, L'Homme de Rio, Les Tribulations d'un Chinois en Chine, Le Diable par la queue, Le Roi de cœur, Les Caprices de Marie, Chouans. "J'ai écrit la majorité de mes films avec Boulanger. Et ma personnalité a certainement été influencée par lui. Si nous nous entendions parfaitement, c'est que nous avions des idées très voisines sur tout". De Broca aura par ailleurs travaillé avec toute la crème des scénaristes de son époque, avec des bonheurs divers : Jean-Claude Carrière, Jean-Loup Dabadie, Gérard Brach, Francis Veber, sans oublier Michel Audiard.
C
Caméos
Philippe de Broca s'est distribué dans quelques-uns de ses films : en touriste suédois adepte du naturisme dans Le Diable par la queue, il se décolore en blond ; en plombier parisien, dans Le Magnifique ; et dans Le Roi de cœur, il apparaît en... Adolf Hitler jeune !
Cassel (Jean-Pierre)
Le 1er des acteurs autobiographiques du cinéaste. Philippe de Broca le fait débuter au cinéma. Il le rencontre en 1959 au théâtre, où il avait repris dans Oscar le rôle tenu par Jean-Paul Belmondo – tiens, tiens. La version virevoltante, chorégraphique, post-adolescente du cinéaste. Ils feront 5 films ensemble : Les jeux de l'amour, L'Amant de cinq jours, Le Farceur, Un Monsieur de compagnie, Chouans.
Cavaleur (Le)
C'est la figure de l'homme pressé chère à Paul Morand revue par Philippe de Broca : courir toujours, sans jamais s'arrêter. C'est également le titre du film le plus secrètement autobiographique du réalisateur. Allez, osons la formule : c'est son Huit et demi ! Grande réussite formelle et esthétique, c'est aussi le film dans lequel il livre le plus de clés : séducteur intempestif, travailleur acharné, recherche effrénée du disciple, complicité féminine, ode à l'art de la fugue, secrète mélancolie sur le temps qui fuit... "Le Cavaleur est peut-être mon film préféré, et je rends grâce à Rochefort de ne pas m'avoir toujours écouté !". Avec La Gitane, il tentera d'en prendre le contrepied : "Tiens, je vais faire le contraire. Faire un film systématiquement misogyne, mais tellement systématiquement misogyne que ça en deviendra drôle".
Chabrol (Claude)
Après l'avoir engagé comme assistant sur Le beau Serge, Claude Chabrol le recommande à François Truffaut pour Les 400 coups : "J'ai beaucoup travaillé sur ce film qui me passionnait", reconnaît de Broca. C'est également le futur réalisateur de Masques qui finance son premier film, Les jeux de l'amour. Philippe de Broca a alors 26 ans : "A cause de cela, (Chabrol) sera toujours pour moi un type formidable".
Chouans !
Vaste fresque sur la Révolution française co-écrite par Philippe de Broca, Daniel Boulanger et Jérôme Tonnerre, tournée à l'occasion du Bicentenaire de la Révolution française, Chouans souffre d'un problème de rythme dû à sa double parenté TV et cinéma. "Il y a une version de 3 heures et et demi dans laquelle je pouvais couper une demi-heure sans que la cohésion en souffre. Mais j'ai été obligé de couper une autre demi-heure. Le film aurait dû faire 3 heures, et pas 2h30". Très documenté, cette fresque très personnelle ne rencontre pas le succès escompté. Peut-être en raison du malentendu qui entoure son sujet, de Broca ne traitant pas de la chouannerie vendéenne, mais de la chouannerie en général.
Circularité
C'est LA figure de broquienne par excellence, qu'elle s'applique au récit – la gare d'Austerlitz comme point de départ et d'arrivée de L'Homme de Rio, par exemple – ou au sujet même de son film : Cartouche, L'Homme de Rio, Le Cavaleur, Le Diable par la queue. Figure également évoquée par la musique de Georges Delerue, qui rappelle le plus souvent des airs de valse...
Cœur (Le Roi de)
"J'ai vraiment tout mis dans ce film (...) Il y a plein de thèmes, de personnages, qui font partie de mes obsessions (...) Je le considérais comme mon vrai premier film". Sur une idée conjointe du producteur Robert Amon et de Daniel Boulanger, de Broca le produit avec la United Artist – d'où la présence au casting d'Alan Bates, pour le côté anglophone. Echec commercial qui plonge de Broca dans une période de doute et de remise en cause. "J'ai même songé à abandonner le cinéma", avouera-t-il. Culte aux Etats-Unis où il est régulièrement projeté dans les salles Art et Essai et dans les universités. S'il ne fallait – malheureusement – n'en voir qu'un, c'est lui !
Costumes / Masques
Importance capitale, (voir Apparence) car dans l'univers du cinéaste, l'habit fait le moine. Rappelez-vous des aliénés du Roi de cœur déguisés en évêques. Ou de Belmondo qui multiplie les accoutrements dans L'Incorrigible. Jusqu'au chevalier Lagardère transformé en un clin d'oeil en bossu... De Broca avait même prévu pour L'Incorrigible un générique d'ouverture où défilaient une série de masques se terminant sur celui de la mort. Inutile de s'étonner que l'un des auteurs favoris de de Broca, soit Pirandello !
La plupart des citations sont extraites de l'ouvrage de référence consacré au cinéaste, Philippe de Broca, par Alain Garel, Dominique Maillet, Jacques Valot et Jean-Pierre Zarader, éditions Henri Veyrier.
A lire :
De Broca de A à Z : de Delerue à Montand (2/4)
De Broca de A à Z : de Noiret au Diable par la queue (3/4)
De Broca de A à Z : de Rappeneau à Zarader (4/4)
A lire :
De Broca de A à Z : de Delerue à Montand (2/4)
De Broca de A à Z : de Noiret au Diable par la queue (3/4)
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